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l’autorité devant l’assemblée nationale. Et ce n’est pas seulement sous ce rapport que la prétendue fête des écoles est un des plus étranges spécimens de l’administration lyonnaise. Depuis une année, on le sait, les affaires de la ville ont été si bien conduites que Lyon est dans une espèce de faillite. L’état a été obligé de lui prêter au plus vite plusieurs millions, et c’est dans ces conditions qu’on dépense 26,000 francs pour une solennité grotesque ! Voilà ce qui s’appelle manier un budget et administrer les finances d’une ville. Quand les Lyonnais seront fatigués, ils le diront sans doute en choisissant des conseillers municipaux un peu plus attentifs pour leurs intérêts, et avec la meilleure volonté du monde nous ne voyons pas que l’état soit tenu de réparer les bévues, d’ailleurs systématiques, d’administrateurs qui paient 26,000 fr. leurs fantaisies radicales.

Enfin, sans trop insister sur des détails que nous voulons croire exagérés, il n’est pas moins évident qu’il y a eu de déplorables scènes, que la fête a été quelque peu une bacchanale. Il est vrai qu’un des députés de Lyon, fort ami de la municipalité, a bien voulu avouer à l’assemblée que la fête avait peut-être un peu manqué sous le rapport esthétique, que l’administration lyonnaise en était à son coup d’essai, qu’elle ferait mieux l’année prochaine. En attendant, le conseil municipal de Lyon a reçu de Berlin son châtiment ou sa récompense, comme on voudra ; les journaux prussiens se sont empressés de reproduire fidèlement le récit de ces étranges agapes en l’inscrivant sous ce titre cruellement et trop justement ironique : Progrès de l’enseignement populaire en France !

Triste spectacle moral, violation des lois, gaspillage des finances d’une ville, tout se réunit dans un seul fait. Ah ! les républicains de cette trempe ont d’étranges manières de servir leur cause. C’est plus fort qu’eux, ils compromettent tout ce qu’ils touchent, ils compromettraient la meilleure des idées. S’ils invoquent la séparation de l’église et de l’état, la liberté de conscience, on est sûr d’entendre crier : à bas les prêtres ! S’ils parlent de l’enseignement laïque, on se réveille devant les pompes burlesques de la fête lyonnaise ; s’ils revendiquent l’autonomie locale, l’indépendance municipale, on voit aussitôt venir la banqueroute à la suite de toutes les fantaisies et de tous les désordres ; s’ils défendent la garde nationale, c’est parce qu’ils voient en elle une armée d’insurrection. Est-ce là le genre de république que M. Gambetta recommandait en écrivant aux organisateurs de la fête des écoles de Lyon cette lettre pompeuse où il faisait retentir de si grands mots pour ne rien dire ? Il est vrai que M. Gambetta écrivait avant la fête, il n’aurait peut-être pas écrit de même le lendemain. La « lutte de l’esprit moderne et de l’esprit du passé,… la régénération morale et matérielle de la France,… la solidarité politique et sociale,… les préjugés, le fanatisme, les haines à dissiper,… » et tout cela pour aboutir à quel-