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renfermaient nous citerons : un grand nombre de vases, qui tous diffèrent absolument, par leurs formes et par les décorations dont ils sont couverts, des poteries grecques, étrusques ou phéniciennes ; des ustensiles en lave, meules à main, mortiers, augets, etc. ; des instrumens en obsidienne analogues à ceux qui caractérisent l’âge de pierre. Sur les murs de l’une des maisons existent encore des fresques, dessinées sur un enduit de chaux. Dans un grand bâtiment qui a été découvert sur la falaise, sous une couche de plus de 20 mètres de tuf composé d’assises de pouzzolane et de lits de pierres ponces, on a trouvé une scie en cuivre pur, sans trace d’étain ni de zinc. C’est le premier outil en métal qu’on ait rencontré dans ces constructions des temps primitifs. En outre, dans diverses pièces du même corps de logis on trouva de l’orge, des pois, des lentilles, de la paille hachée, disposés en tas, et des vases de différentes formes remplis avec les mêmes matières. Des os de chèvre, de mouton, étaient répandus çà et là ; des morceaux de charbon, des fragmens de bois de diverses essences, le tronc entier d’un olivier, furent recueillis dans la même maison.

En plusieurs points de l’île de Santorin, on a pu suivre au-dessous de la ponce, sur une certaine étendue, une couche de terre noire qui provient de la décomposition de la lave ; c’est sans doute l’ancien sol végétal de l’île. Cette terre noire renferme beaucoup de débris de poterie.

En rapprochant ces faits nouveaux de ceux qui ont été constatés par les premières fouilles, on est en droit de faire remonter l’antique civilisation de ces îles à la fin de l’âge de pierre. La scie en cuivre qui a été trouvée dans l’une des habitations déblayées est une preuve que l’ère des métaux s’annonçait déjà lorsqu’un cataclysme, dont l’histoire a perdu le souvenir, vint engloutir une partie de la grande île de Santorin, et ensevelir sous un linceul de cendre et de pierres les débris qui en restent. M. Fouqué a déjà démontré que les outils et les poteries qui ont été déterrés à Therasia et à Santorin étaient probablement de fabrication étrangère, et que les habitans se les procuraient par un commerce maritime avec l’Orient. Toutefois ces débris prouvent que l’antique population de l’archipel grec était arrivée à un haut degré de civilisation à une époque dont nous sommes séparés par plusieurs milliers d’années. Santorin, avant l’effondrement de la partie centrale de l’île, était couverte d’habitations et de cultures. Les Santoriniotes de l’âge de pierre construisaient des voûtes avec des pierres et du mortier, fabriquaient la chaux, étaient en possession de couleurs fort brillantes, se servaient de poids formés avec des blocs de lave, connaissaient le tissage et la poterie. L’arbre généalogique de notre espèce remonte décidément plus haut que nous ne pensons.


R. R.


C. BULOZ.