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quitteront leur place dans le ciel ; elles formeront un berceau que vous verrez descendre dans l’éther. Il se placera sur votre table ; que la belle Voulkana s’y étende sans peur, et bercez-la longtemps en répétant à nouveau les chants de l’hyménée. »

« La nuit est venue, les rois sont à table, les étoiles disent la gloire du Soleil ; le berceau se forme au plus haut du ciel, se balance lentement dans l’espace et descend sur la terre. A peine Voulkana, toute tremblante, y est-elle étendue, qu’il remonte dans les espaces éthérés.

« La mère du Soleil a été elle-même traire les vaches ; elle a demandé à ses fermiers ce qu’ils avaient de meilleur. La table est mise au coin du feu. Le Soleil, sa mère et sa sœur reçoivent Voulkana. On dîne longuement sans beaucoup parler. Le Soleil enfin dit à sa mère : « Chère mère, ce soir je n’habiterai pas votre chambre ; je conduirai ma fiancée dans la salle qui désormais nous sera commune à elle et à moi. »

« Au matin, le Soleil tout heureux va voir ses troupeaux ; pendant qu’il se promène et contemple ses champs, il rencontre Brakir, qui l’insulte. L’insensé Brakir, il ne sait pas la force du puissant Soleil ! Il tombe frappé d’une pierre, et meurt en proférant des injures que répètent les échos des montagnes.

« Les jours s’écoulent heureux dans la demeure du Soleil et sur la terre ; les moissons verdissent, les pâturages nourrissent d’abondans troupeaux, et pourtant Voulkana regrette la maison de son père : le Soleil la trouve tout en larmes, il a pitié de sa douleur ; il la rendra à ses compagnes, il la rendra à ses amis.

« Les étoiles forment un berceau lumineux, qui descend Voulkana chez le roi des rois ; l’épouse du Soleil porte dans son sein un fils qui sera un héros. A peine né, il veut faire de grandes actions, il saute à cheval, il réunit les jeunes gens. Il les conduira dans les pays lointains, là où coule le blanc Danube, là où habite un peuple sauvage qui a pour demeures des cavernes, pour armes des pierres. « Ne pleurez pas, vous toutes que vos fils abandonnent, dit-il aux mères ; ne pleurez pas, jeunes filles, qui voyez partir vos frères. Nous allons chez des hommes sauvages, nous leur apprendrons à cultiver les belles plantes, à semer les champs fertiles ; un jour, les hommes et les femmes de ce pays béniront vos fils et vos frères. »


On voit que c’est là une sorte de conte, que la naïveté populaire y est complète ; cependant les images gracieuses n’y manquent pas. Cette composition, si imparfaite qu’elle soit, est du moins originale ; elle dépeint une civilisation pastorale qui doit remonter à des temps reculés ; la mythologie slave ne s’y retrouve que défigurée et mêlée à des légendes toutes particulières ; ni les Serbes, ni les Grecs n’ont rien d’analogue.

On sait que les traditions grecques les plus constantes