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courrier de l’empereur qu’avec admiration, jaloux sans doute de ne pouvoir opposer aux Romains une aussi rare merveille.

La paix fut bien reçue à Constantinople et acclamée par tout le monde. Poètes et prosateurs se mirent à l’œuvre pour la chanter, et les plus heureux eurent l’honneur de réciter leurs panégyriques devant l’empereur et le sénat. La guerre n’avait présenté, il est vrai, qu’une ou deux batailles dignes de ce nom ; mais en revanche elle avait été entrecoupée d’épisodes qui en dramatisaient le tableau. Ainsi la catastrophe des Sarrasins et leur submersion dans l’Euphrate, la baliste Saint-Thomas, le duel d’Aréobinde, Palladius lui-même, pouvaient fournir au prosateur ou au poète des digressions précieuses dans un genre de littérature qui ne s’alimentait que d’antithèses et de jeux d’esprit, et les contemporains nous apprennent que le concours fut très brillant. Ce qu’il eut de plus remarquable, c’est que l’impératrice ne dédaigna pas de descendre elle-même dans l’arène. Désireuse de payer sa bienvenue à l’empereur qui lui avait donné un trône, à l’empire qui l’avait adoptée, la fille de Léontius voulut à son tour chanter leur gloire et ajouter une branche de laurier au diadème qui la couronnait. On pense bien que son poème eut tous les suffrages. Elle était alors l’idole de l’empire, et sa fécondité avait mis le comble à la joie publique lorsqu’en 423 elle était accouchée d’une fille, qui fut appelée Eudoxie comme son aïeule. Le peuple et le sénat fêtèrent la bienvenue de l’enfant impérial en décernant à la mère le titre d’augusta.


V

Encouragée par le succès de son poème, Athénaïs se remit aux études chéries de sa jeunesse. Si le premier tribut de ses vers avait été pour l’empereur et l’empire, le second fut pour la religion qui lui avait facilité l’accès du trône, ou plutôt elle ne composa plus dès lors que des ouvrages marqués au coin du christianisme. C’est ici le lieu de parler avec quelque détail de son talent poétique et du jugement qu’on en a porté dans l’antiquité.

Les contemporains d’Athénaïs la considérèrent comme un poète éminent, et quatre siècles plus tard, lorsque les fascinations de la puissance et de la beauté s’étaient depuis longtemps dissipées, et qu’on ne jugeait plus l’impératrice-poète que par ses vers, des critiques sérieux les lisaient encore avec charme. Photius, qui nous en parle longuement dans sa Bibliothèque, nous dit à propos d’un de ses poèmes « qu’il l’admire, non pas tant parce qu’il est d’une femme, et d’une femme vivant au milieu des délices d’une cour, que