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France lui appartient de droit divin, que les dernières élections qui ont eu lieu dans le pays, même les élections des conseils-généraux, lui ont donné une victoire complète, que la vraie république n’existera que lorsqu’il aura le pouvoir, que le gouvernement actuel n’est qu’une transaction dans une équivoque qui a déjà trop duré. Cela ne suffit pas encore cependant pour caractériser une politique. Cette politique, où est-elle et à quels traits peut-on la reconnaître ? M. Gambetta, dont la position n’est peut-être pas aussi nette qu’il le croit, et qui malgré sa dictature d’un jour a beaucoup à étudier pour être un chef de parti utile à son pays, M. Gambetta essaie de débrouiller cette énigme dans une lettre-manifeste qu’il a récemment adressée à un de ses amis pour tracer la direction que devraient suivre les conseils-généraux dans leur session. Fort bien, on va sans doute savoir la vérité de la bouche d’un des augures de la démocratie militante. M. Gambetta, il faut en convenir, ne méconnaît pas l’importance de l’étude simple et pratique des choses, qu’il recommande au contraire d’une façon pressante aux conseils-généraux ; mais voici où il commence à se perdre dans les nuages, en voulant promulguer ses dogmes. La politique radicale, selon lui, est celle qui se préoccupe surtout et avant tout de la solution démocratique de toutes les questions. « L’ambition du parti radical, — entendez bien ceci, — est de démontrer par la pratique, en se faisant à tous les degrés de la vie sociale comme de la vie publique le défenseur de tous les intérêts légitimes, qu’il ne conçoit la politique que comme un moyen de protéger, de développer, d’assurer les droits de tout ce monde du travail, bourgeoisie et prolétariat, qui fait le fond de la démocratie… » Et voilà comment, au dire de M. Gambetta, « le radicalisme n’est pas un vain mot ! » voilà pourquoi l’ancien dictateur de Bordeaux croit devoir se séparer avec éclat de ceux qu’il appelle les « républicains formalistes, » et à plus forte raison des simples libéraux ! Il a maintenant son camp à part où il rédige des programmes. Il ne lui reste plus qu’à étudier avec plus de pénétration, avec plus d’esprit, toutes ces questions dont il parle, et à prendre le temps d’éclaircir ses idées sur la politique qu’il se propose de réaliser aussitôt que la république radicale aura fait de lui son président.

Par malheur, en attendant que les idées de M. Gambetta s’éclaircissent, il y a un autre radicalisme un peu plus réel, un peu plus palpable, qui vit et qui commence à refleurir un peu partout. Il s’était éclipsé un instant au lendemain de la commune ; aujourd’hui il reparaît, il n’est pas découragé, il a repris confiance au contraire, il a des journaux, il parle au conseil municipal de Paris, il fait des propositions. Celui-là, on le reconnaît aisément, il dédaigne les obscurités ou les réticences de M. Gambetta ; il ne désavoue pas la dernière insurrection parisienne, qu’il espère bien recommencer quelque jour, il publie des souscriptions où figurent des « artilleurs de la commune » à côté des « fleuristes ra-