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d’Alexandrie ; il avait enrôlé, dit-on, jusqu’aux laveurs des bains publics. Dans le cortège figuraient un certain nombre de diaconesses ou autres femmes consacrées à l’église, qui devaient administrer la maison du patriarche et veiller sur sa santé pendant la durée de son voyage. À l’instar de ses prédécesseurs, les potentats épiscopaux d’Égypte, Cyrille n’arriva que les mains pleines de présens et d’or dont il sut faire libéralement l’emploi. Il reçut des magistrats et du peuple un tout autre accueil que son rival : on croyait saluer en lui comme un second patron de la ville. Memnon, si dur pour les amis de Nestorius, livra toutes ses églises aux Égyptiens, et se fit le vicaire ou plutôt le lieutenant de leur chef pour la campagne qui allait s’ouvrir. Prêtres, magistrats, habitans, rivalisèrent de bons procédés et d’égards envers lui et les siens, à tel point qu’il eût pu se croire dans une de ses cités pharaoniques des bords du Nil.

Sa maison et celle de Memnon devinrent dès lors deux centres où l’on attira les évêques nouveau-venus à mesure qu’ils arrivaient. C’est là que se recruta l’armée de Cyrille. Memnon se chargeait des intrigues, des corruptions, des menaces, car rien de tout cela ne fut épargné, et il remplit sa tâche avec une audace éhontée dont nous verrons bientôt les effets. Prenant exemple sur le patriarche, qui avait dégarni les églises d’Égypte pour amener avec lui cinquante votans, il fit venir trente-cinq des suffragans de son exarchat, sans compter une multitude d’évêques étrangers non convoqués par leurs métropolitains, dont plusieurs étaient des interdits, des déposés pour crimes, et même des hérétiques reconnus, si l’on en croit les documens contemporains. Tous ces gens-là furent appelés et accueillis favorablement au mépris des canons. À leur suite accoururent des prêtres qui quittaient leurs églises, des moines qui désertaient leurs couvens, des laïques de toute condition, les uns amenés par la curiosité, les autres par le fanatisme, et fiers de prêter main-forte au triomphe de la patronne de l’Asie. Grossie par des gens sans aveu, cette tourbe d’étrangers jetait le désordre dans la ville, et l’on avait chaque jour des rixes sanglantes à déplorer. — Les officiers impériaux durent prendre des mesures énergiques pour maintenir la paix, expulsèrent la foule inutile des étrangers et des moines, et concentrèrent dans Éphèse les garnisons des villes voisines.

Quels que fussent les moyens de séduction prodigués aux nouveaux arrivans pour les enrôler sous un drapeau, beaucoup voulurent rester libres. Au lieu de se joindre aux deux groupes déjà formés, ils essayèrent d’en former un à part, groupe de gens consciencieux qui attendaient pour se décider la lumière de la discussion, et croyaient se montrer respectueux envers le concile en ne