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en ce qu’il admettait implicitement les anathématismes de Cyrille, c’est-à-dire l’hérésie d’Apollinaire ; 3° on pouvait le rejeter, par rapport à la personne de Nestorius, en ce qu’il avait déposé cet archevêque, n’en ayant pas le droit, et que conséquemment Nestorius était présumé innocent ; 4° on pouvait le rejeter enfin, quant à sa confirmation par l’empereur, en ce que cette confirmation avait été faite sans que les réclamans eussent été entendus ni sur la doctrine ni sur les faits personnels. On pouvait donc, en se retranchant derrière ces motifs, rejeter le concile d’Éphèse sans partager la doctrine de Nestorius, et au fond qu’était-ce que la doctrine de Nestorius, que l’on avait vu osciller dans ses principes depuis le catholicisme pur jusqu’à la négation du christianisme ? Appellerait-on du nom de nestorianisme le refus de donner à Marie le titre de Mère de Dieu ? Mais la plupart des opposans le lui donnaient et croyaient à l’union des deux natures en Jésus. Ceux-là même qui n’élevaient aucun doute sur le mystère se croyaient le droit de repousser le concile pour les questions accessoires. L’acte législatif qui décrétait le concile d’Éphèse loi de l’empire n’avait rien prévu de ces distinctions, et il disait : Vous accepterez le concile d’Éphèse ou vous serez nestorien. Les gouverneurs des provinces furent chargés de poser ce dilemme aux évêques, et l’on put voir alors combien les pouvoirs séculiers sont par la nature même des choses inhabiles et impuissans à régler les droits de la conscience. Devant un ecclésiastique enquêteur ou devant une commission d’évêques, les réserves mises à l’acceptation du concile eussent été discutées et admises dans certains cas ; mais avec des juges laïques il n’y avait point de transaction entre ces deux termes : être nestorien ou souscrire. Les magistrats laïques allaient d’église en église, la cédule de souscription en main et pesant sur les évêques par la séduction ou la menace : la menace, c’était celle d’être chassé de son siège, exilé, envoyé aux mines. La consternation régna dans toutes les églises, dont les plus fermes représentans se laissèrent frapper. Les annales religieuses nous donnent la liste sinistre de ces vaillans évêques ainsi punis pour leur courage : elle n’en compte pas moins de vingt et un, presque tous métropolitains.

L’histoire d’Alexandre d’Hiérapolis, métropolitain de l’Euphratésie, et le même à qui Théodoret, pendant le concile de Chalcédoine, écrivait la curieuse lettre que nous avons citée plus haut, cette histoire nous fait connaître ce qui dut se passer en beaucoup de lieux dans la malheureuse Syrie. Alexandre était un vieillard arrivé aux limites de l’âge, et d’autant plus résolu, disait-il, à faire son devoir, qu’il allait rendre bientôt ses comptes à Dieu. Il eût pu, comme tant d’autres, faire des réserves et souscrire au concile ; ses