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payables, d’après le traité, le 2 mars 1872. Il s’agissait donc de conclure un arrangement financier qui modifiât les clauses du traité de Francfort pour la liquidation de cette somme totale de 650 millions. Certes M. de Bismarck aurait pu juger dès ce moment que le simple engagement de la France était suffisant. La France venait de fournir amplement la preuve de sa loyauté scrupuleuse et de son crédit, de sa volonté et de ses moyens de payer. Cependant les négociateurs allemands, poussant à l’extrême leurs droits de créanciers, exigèrent que l’engagement de la France fût cautionné par la signature de banques de premier ordre. Il fallut donc trouver des banquiers ; ce qui probablement, avec l’appât d’une commission, ne fut pas difficile ; mais, ce point réglé, il se produisit une nouvelle exigence. Les Allemands demandèrent que les traites qui leur seraient remises avec la signature de la France et des banquiers fussent négociables à leur volonté, condition devant laquelle les banquiers reculèrent. Ceux-ci consentaient à garantir les paiemens auxquels s’engageait la France à des échéances déterminées, garantie qui était pour eux sans péril et leur procurait des bénéfices, mais ils ne voulaient pas que leur papier, chargé de sommes aussi énormes, sortît du portefeuille de la Prusse pour être lancé dans la circulation. Quelle pouvait être la pensée du cabinet de Berlin en compliquant cette question si simple du paiement et en imposant à son débiteur ce luxe de formalités, de gêne et de frais ? Cette pensée est révélée par la proposition qui fut faite de ne pas négocier les traites tant que le gouvernement actuel de la France serait au pouvoir, et de ne les mettre en circulation que si le gouvernement venait à changer. Cela était inacceptable. L’honneur de la France est indépendant de la fortune de ses gouvernemens, et M. le président de la république, non plus que ses ministres, ne pouvaient admettre que, même dans un intérêt si national, on les plaçât pour ainsi dire en dehors et au-dessus de leur pays.

Cependant les jours s’écoulaient au milieu de ces discussions de détails, et il faut bien le dire, le gouvernement français, qui se préoccupait par-dessus tout de l’évacuation de six départemens, était beaucoup plus pressé de conclure que ne l’était la diplomatie allemande, qui avait dans les négociations le rôle facile, commode et patient. L’arrangement financier était nécessairement lié au traité de douane, qui, selon les règles parlementaires, ne pouvait être mis en vigueur qu’après l’approbation de l’assemblée nationale. Or celle-ci allait se séparer pour deux mois et demi le 17 septembre, non-seulement afin de prendre un repos nécessaire après une session des plus laborieuses, mais encore pour participer aux élections des conseils-généraux, dont la première réunion sous un