Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils ont à exister, c’est-à-dire qu’ils ne veulent ni peuvent se laisser supprimer. Comment se comporte le radicalisme ? Étant donnés les deux termes de tout problème social, la tradition et le mouvement, la religion et la philosophie, l’autorité et la liberté, la propriété et le travail, qui tous ont leurs titres à faire valoir, il est rare qu’il procède autrement que par l’abolition sommaire de l’un de ces deux termes ou par sa subordination excessive au joug tyrannique du terme rival. Je dis que ce sont là les procédés permanens de la méthode qu’on peut appeler la méthode radicale. Tel a été le radicalisme, tel il est, car à ses autres caractères il faut joindre son obstination incorrigible à récuser les démentis les plus accablans que la réalité lui inflige, à les expliquer par des circonstances purement accidentelles. Saurait-on rien trouver de plus contraire au large esprit des méthodes scientifiques modernes ? Même dans les théories purement philosophiques, il s’en faut que la simplicité soit toujours un signe de vérité. Dans les matières sociales, il me semble que ce devrait être une présomption d’erreur. Presque toujours cet idéal en avant n’est en réalité qu’une vue rétrograde. Les sociétés très jeunes, comme les sciences naissantes, admettent plus facilement l’unité, par cette raison qu’elles-mêmes sont peu développées. L’ordre dans nos sociétés avancées ne saurait plus être qu’une variété savante.

Il serait bon, spécialement à propos de l’impôt, de se demander si la matière serait de celles qui se prêtent mieux à l’idée simple et aux procédés du radicalisme. Les premières observations qui se présentent semblent faire augurer le contraire. Les changemens à vue ici sont peu à leur place ; partout et toujours la nouveauté y est jugée déplaisante. Elle change ce qu’il y a de plus susceptible et de plus irritable au monde, les habitudes ; elle déplace les situations. Est-ce une raison pour n’y avoir jamais recours ? Non, assurément ; mais c’en est une pour tout esprit sensé de ne s’y décider qu’en vue d’une amélioration réelle et considérable. Que sera-ce s’il est question de faire table rase et de tout établir sur de nouvelles bases ? Il est même à remarquer que le temps a ici des effets particuliers ; il allège souvent les maux qu’ailleurs il aggrave, tant les intérêts se montrent habiles, dès qu’ils le peuvent, à ne pas rester accablés sous un fardeau trop pesant ! On sait que l’impôt foncier finit, s’il n’est point trop lourd, par n’être plus à la charge des propriétaires ; il figure en déduction dans le prix de vente comme tous les autres frais qui grèvent la propriété. Enfin la variété des valeurs sur lesquelles on assoit la taxe dite unique ne réduit-elle pas souvent cette unité à n’être qu’une étiquette trompeuse sous laquelle réapparaissent les diversités qu’on