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des classes qui peuvent payer, laissant cet impôt établi par surcroît à la charge des revenus supérieurs à 150 livres sterl. On s’est taxé, disons-le, en s’inspirant d’une politique où le calcul s’allie au sentiment de l’humanité, on s’est taxé au-delà même de la stricte et rigoureuse proportion. J’ajoute que cela était possible chez un peuple où les revenus élevés sont beaucoup plus fréquens que chez nous. Il n’y a point trace en tout cela d’inspiration ni de pression radicale.

Finissons-en avec l’illusion que produisent les mots et les apparences. L’économie des frais de perception est certes à l’avantage de l’impôt direct. Il peut se défendre par une simplicité relative, qui n’est pas toujours, mais qui peut être parfois une supériorité réelle ; mais est-il toujours plus proportionnel et toujours plus doux pour les travailleurs ? Parmi ceux-ci, il faut placer les petits fonctionnaires et les petits entrepreneurs, ainsi que la masse un peu besoigneuse qui comprend les petits rentiers. Que l’impôt direct soit payé ou seulement avancé par le producteur pauvre, qui se le fait dans le second cas rembourser par des consommateurs le plus souvent pauvres eux-mêmes, ce sont toujours les pauvres qui paient. Or quel moyen a-t-on de prévenir ou d’empêcher ces effets de la loi de l’offre et de la demande ? En ce sens, une addition à la patente ne serait guère démocratiquement préférable à telle taxe indirecte, mutile d’ajouter qu’une addition à l’impôt des portes et fenêtres, déjà si critiquable, ne serait ni populaire ni proportionnelle au revenu des familles. Et comment croire qu’on arriverait mieux que par les taxes indirectes à établir un impôt démocratique en surtaxant les actions et obligations des entreprises industrielles divisées en petites coupures entre les mains des petits capitalistes !

Le plaidoyer des avocats exclusifs des taxes directes est venu échouer devant un argument pratique qui n’a fait que prendre de nouvelles forces, la nécessité des gros budgets. Aussi conseille-t-on de les réduire. On veut pour y arriver réduire aussi les attributions de l’état. Bien de mieux, mais il n’est pas parfaitement sûr que les dépenses transportées aux communes ou aux départemens fussent beaucoup amoindries. La charge reste considérable pour chaque citoyen dans les pays de décentralisation comme l’Angleterre et les États-Unis. Le conseil de désarmer est fort bon, si on n’est pas seul à le suivre et à la condition de ne pas jouer le rôle de l’agneau devant le loup. En outre, comment imaginer que le degré d’intervention de l’état ne restera pas toujours tel qu’il nécessite des budgets élevés ? Quelques écrivains ont inventé pour combattre cette objection un expédient assez singulier. Ils prétendent fixer d’avance un budget des dépenses que l’état ne pourra dépasser. L’un lui accorde 600 millions par an, l’autre ne lui en laisse que 500 ; c’est son