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fréquentes. Lord Brougham soutenait que c’était une institution corruptrice pour la loyauté et les mœurs du peuple anglais. On s’est demandé avec raison si le mal ne serait pas plus grand encore en France avec le caractère léger de la nation et la disposition si commune à croire que ce n’est pas mal faire que de tromper le fisc. Si les déclarations au-dessous de la réalité y étaient les plus fréquentes, le charlatanisme industriel et commercial n’en ferait-il jamais au-dessus pour s’assurer du crédit ? J’admets que les partisans de l’impôt partiel sur le revenu, avec les conditions de modération qu’ils y mettent, ne regardent pas de telles objections comme absolument décisives. Il n’en est pas de même au point de vue de la taxe unique. La fraude centuplerait avec l’intérêt qu’on aurait à frauder. Quand des consciences plus délicates habituellement éprouvent ce genre de tentations, quelle base donner à l’impôt que la conscience de la masse calculée sur la moyenne !

Le second type d’évaluation est celui qu’on peut appeler le type allemand ; c’est le système selon lequel s’établit l’impôt sur le revenu en Prusse et dans quelques autres états de l’Allemagne. Les revenus y sont évalués par des commissions gouvernementales ; libre ensuite à chaque citoyen de s’inscrire contre l’évaluation, sauf à faire la preuve, c’est-à-dire à ouvrir ses registres et à livrer ses papiers d’affaires. Cela peut être admissible avec une taxe modérée qui ne détermine qu’exceptionnellement de pareils conflits ; avec une taxe élevée, avec un impôt unique, c’est la lutte en permanence. Et si le gouvernement est un de ces pouvoirs tels que le radicalisme ne manque jamais d’en imposer au pays lorsqu’il est le maître, on peut pressentir les avanies auxquelles seront exposées les contribuables, surtout les suspects, et les extrémités auxquelles il faudra en arriver.

Dans le système de l’impôt sur le revenu établi même partiellement, le législateur se sent en présence de deux faits également embarrassans : d’une part, une masse assez grande de revenus plus ou moins faibles qu’il est difficile de taxer et surtout de taxer a un taux quelque peu élevé ; d’autre part, la diversité de nature et d’origine de ces revenus, les uns viagers, les autres temporaires, les uns stables, les autres incertains. Taxer uniformément tous ces revenus paraît inhumain ou injuste. Cela oblige le gouvernement à se livrer à une des opérations les plus délicates qu’on connaisse et qui peuvent prêter le plus à l’arbitraire, il faut qu’il établisse des catégories. Cela s’est vu toujours en pareil cas. Je citerai la commission qui, dans notre assemblée nationale, après 1848, s’était occupée de l’impôt sur le revenu. Elle distribuait en quatre catégories les revenus mobiliers soumis à la taxe. Elle y mettait 1° les bénéfices nets, du commerce et de l’industrie, à l’exception de