Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/460

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

approvisionnemens envoyés à sa rencontre ; plus tard, on croyait à un plan concerté entre le commandant en chef de l’armée du Rhin et le maréchal de Mac-Mahon pour écraser les Prussiens en les prenant entre deux feux, — on savait vaguement que des gardes forestiers traversaient les lignes ennemies au milieu des plus grandes difficultés, et mettaient en communication les deux maréchaux. Une bataille décisive paraissait imminente, lorsque, le 24 août, les Allemands tentèrent une de ces surprises qu’ils avaient déjà essayées à Toul, afin d’obtenir par un coup d’audace la prompte reddition de la ville.

Dès neuf heures et demie du matin des masses d’infanterie sortaient des bois, s’éparpillaient dans la plaine en tirailleurs, s’embusquaient derrière les haies, s’établissaient dans les maisons des faubourgs et dirigeaient leurs feux sur la place. Rien n’avait annoncé l’approche des Allemands : nous étions surpris encore, comme nous l’avions si souvent été depuis l’ouverture de la campagne ; mais au premier signal soldats et gardes nationaux avaient couru à leur poste sur les remparts. Leur artillerie canonna les batteries allemandes qui prenaient position, avec une grande rapidité et une grande sûreté de mouvemens, à 2 kilomètres de la place. Dès ce premier jour la population civile, associée au péril de l’armée, éprouvait des pertes cruelles ; six gardes nationaux tombaient frappés mortellement au bastion Saint-Victor, un vieillard était tué dans la rue par un éclat d’obus, dix-sept projectiles pénétraient dans le séminaire transformé en ambulance, protégé par le drapeau de la convention de Genève, et y faisaient deux victimes. De son côté l’ennemi, en se montrant plus que d’habitude, s’exposait au feu des remparts, qui, en peu de temps, mettait hors de combat près de 600 hommes.

L’attaque de vive force sur laquelle on avait compté, comme à Toul, pour surprendre la garnison et décider par un coup d’audace la ville à se rendre, échouait évidemment ; il ne restait plus aux Allemands qu’à battre en retraite devant une résistance à laquelle leurs officiers s’attendaient si peu qu’ils se vantaient dans les villages voisins de pouvoir déjeuner à Verdun le 24 août. Pendant la plus grande partie de la nuit, on vit des feux allumés sur les hauteurs ; vers trois heures du matin, ces feux s’éteignirent, et le roulement lointain des voitures annonça le départ des troupes ennemies. C’était le prince George de Saxe qui avec 6,000 soldats, soutenus par une puissante réserve et quarante pièces de canon, avait tenté à tout hasard d’emporter en passant la place de Verdun.

Dans les derniers jours du mois d’août, quelques expéditions heureuses entretenaient et fortifiaient le courage des habitans ; les francs-tireurs surprenaient aux environs des convois et des groupes de soldats allemands qu’ils ramenaient dans la ville. On attendait