Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/491

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commission de l’Hôtel de Ville avait placés, en se retirant, aux côtés du lieutenant-général du royaume, et à la tête desquels se trouvait M. Dupont (de l’Eure) comme ministre de la justice. À ce sujet, un souvenir se trouve sous ma plume, qui est à la fois un témoignage de la disposition d’esprit du prince et une anecdote curieuse par le nom qui s’y rattache. Dans les premiers jours d’août 1830, le duc d’Orléans demandait conseil à divers personnages avant de décider sous quel nom il devrait, le cas échéant, prendre place parmi les souverains. L’un d’eux émit l’avis qu’il s’appelât Philippe VII. « Non, mon cher ministre, répliqua le duc d’Orléans, cela est impossible; un chiffre multiple ne saurait me convenir. Je le dis tristement, mais résolument : je suis un numéro 1, quoique Philippe de nom et petit-fils d’Henri IV, et je m’appellerai Louis-Philippe Ier. » L’interlocuteur était Dupont (de l’Eure), qui, un an plus tard, eût certainement traité le donneur d’avis de quasi-légitimiste.

Ne nous bornons pas à envisager les décrets de 1852 dans leurs rapports avec le droit politique et le droit commun, dont l’étude a été faite et approfondie par les jurisconsultes les plus éminens; attachons-nous surtout à en examiner les rapports avec le mouvement des passions politiques et révolutionnaires, avec les innombrables attaques d’une critique impitoyable et d’une opposition sans merci. Si les décrets du 22 janvier 1852 ne sont pas l’œuvre d’une personnalité donnant froidement satisfaction à une haine défiante de l’avenir et doublée d’ingratitude, il est impossible que nous n’y reconnaissions pas à un moment quelconque la trace des passions hostiles qui n’ont cessé de poursuivre Louis-Philippe pendant toute la durée de son règne, surtout dans les questions qui touchaient à ses intérêts personnels et privés; il est impossible que la fraude prétendue dont Louis-Philippe se serait rendu coupable le 7 août envers l’état non-seulement ait échappé à la censure des bons citoyens défenseurs de la fortune publique, mais encore n’ait pas été saisie comme une arme redoutable par les partis politiques les plus acharnés à sa perte.

La donation du 7 août a été faite en pleine lumière et sous les regards d’une opposition passionnée, née en même temps qu’elle. Bien peu parmi les républicains avaient écouté les conseils de la sagesse trop peu durable de Lafayette parlant de la monarchie constitutionnelle comme de la meilleure des républiques; bien peu de légitimistes avaient imité la résignation éclairée et patriotique de M. le duc de Fitz-James, qui s’écriait à la chambre des pairs au moment de prêter serment « qu’ayant vu l’anarchie prête à nous ressaisir et à nous dévorer, il se soumettait à la grande considération du salut de la France. » La monarchie de Louis-Philippe avait donc dès la veille, dès le jour de sa naissance, des ennemis décidés