Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/494

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rante-neuf pamphlets ne nous a révélé que quelques lignes consacrées en passant à la donation du 7 août, et encore voici à quoi elles se réduisent. L’auteur émet le vœu que la loi sur la liste civile de la royauté de juillet établisse le principe de la dévolution du domaine privé à l’état à chaque changement de règne; mais, comme la donation faite par le duc d’Orléans est du 7 août, c’est-à-dire antérieure à la royauté acceptée par le prince, M. de Cormenin, gêné par ces simples dates, se borne à souhaiter que, tout en maintenant la nue propriété aux donataires, l’usufruit que le duc d’Orléans s’était réservé soit dévolu à l’état. Qui ne remarquerait d’ailleurs le silence absolu gardé par M. de Cormenin à la chambre des députés pendant qu’en sa présence la loi du 2 mars 1832 maintenait le domaine privé avec tous les droits du père de famille et la donation du 7 août 1830, qui en était l’éclatante consécration? Décidément les décrets du 22 janvier 1852 se détachent sur le fond du régime impérial sans la complicité anticipée d’aucune clés passions qui se sont déchaînées contre Louis-Philippe de 1830 à 1848, et jusqu’ici ces actes appartiennent tout entiers à C3 régime dépourvu de sens moral qu’ils serviront à caractériser dans l’histoire.


II.

Nous avons vu ce qu’avait été sous le règne de la monarchie constitutionnelle l’attitude des partis extrêmes à l’égard du principe de la propriété, représenté par les biens privés de la famille d’Orléans. La confiscation indirecte, rêvée peut-être par quelques ennemis de la royauté de juillet, n’avait même pas osé se produire au grand jour, tant la réprobation eût été vive et générale. C’était à cette époque le règne des pouvoirs pondérés, des libertés réglées par la loi, des solutions moyennes, auquel l’esprit public semblait s’être si fermement attaché qu’on ne peut expliquer la révolution de 1848, immense surprise, que par la croyance générale qu’elle était impossible. Quoi qu’il en soit, la scène change tout à coup; en quelques heures, toutes les digues sont rompues, et le flot parisien, dans sa course vertigineuse, entraîne tout, hommes et choses, dynastie et constitution. Une tourbe aveugle et brutale a pénétré dans les Tuileries, au Palais-Royal et à Neuilly jusque dans le sanctuaire intime de la famille d’Orléans. Les souvenirs personnels, les livres, les meubles précieux, une foule d’objets d’art, tout est brisé, anéanti, et le signal de la violation de la propriété est donné le jour même qui voit naître un nouveau gouvernement; l’épreuve faite pendant dix-huit ans est donc à recommencer dans des conditions bien autrement dangereuses. Les principes les plus essentiels de toute société, et en particulier celui de