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venir de Louis-Napoléon. La voilà mise en lumière devant une assemblée issue du suffrage universelle, où la science du droit est personnifiée par les jurisconsultes les plus éminens, où les passions politiques ont leurs représentans les plus ardens et les plus autorisés : — à gauche, une montagne de près de 200 membres, à droite les adversaires les plus irréconciliables de la monarchie de juillet, et dans plusieurs autres parties de la salle les partisans épars du césarisme futur, au milieu desquels siège Louis-Napoléon en personne. A la bonne heure! — aucun examen ne fera défaut, aucune critique ne sera épargnée, aucune velléité de la passion humaine ne sera réduite au silence. Le tribunal est l’assemblée nationale, c’est-à-dire la nation elle-même. Elle prononce son arrêt. Qui eût osé douter à ce moment que cet arrêt ne fût définitif? Louis-Napoléon lui-même sembla se soumettre de bonne grâce à cette manifestation de la conscience publique « en faveur du principe sacré de la propriété. » Élu président de la république, il s’empressa de s’associer par plusieurs actes à la reconnaissance du droit complet des héritiers de Louis-Philippe. Écoutons-le venant par l’organe de M. Fould déclarer, à l’occasion de la loi du à février 1850. que, dans l’esprit de la loi, la position exceptionnelle commandée par les exigences du moment avait un caractère essentiellement transitoire, qu’on pouvait prévoir dès lors l’époque prochaine du retour au droit commun; «il ne pouvait entrer, disait le ministre, dans la pensée équitable du président de la république de prolonger cette position exceptionnelle au-delà du terme rigoureusement nécessaire. » La commission de l’assemblée s’était bornée à proposer la levée du séquestre en ce qui concernait les biens particuliers de M. le prince de Joinville et de M. le duc d’Aumale. M. Fould, au nom du président de la république, demandait que la levée du séquestre fût étendue aux biens compris dans la donation du 7 août, et cette proposition fut adoptée. La même loi reconnaît encore le droit de propriété de la maison d’Orléans en autorisant les débiteurs et le liquidateur général à emprunter jusqu’à concurrence de 20 millions de francs pour achever la liquidation des dettes de l’ancienne liste civile, et à consentir inscription avec antériorité d’hypothèque sur l’état lui-même. En est-ce assez? Et, s’il en était autrement, combien faudrait-il de lois et d’actes du gouvernement pour que la reconnaissance d’un droit fût définitive?

Dans cette scène d’une lamentable comédie, que M. Fould avait certainement jouée en acteur de bonne foi, Louis-Napoléon ne se contentait pas de s’associer au respect du droit dont le décret du 25 octobre 1848 s’était manifestement inspiré : il demandait à l’assemblée, nationale de briser à jour fixe les liens dans lesquels le séquestre étreignait encore le domaine privé; mais il en était de cette