Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/508

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

démonstration comme de ses protestations répétées de respect pour la constitution. Jusqu’au 1er décembre 1851, il a pour ces principes chers à toute société bien ordonnée les mêmes formules de respect et de dévoûment[1]; puis, quand la conspiration est bien ourdie, le complot éclate, la liberté est confisquée le 2 décembre, et six semaines après la propriété est frappée. Nous expliquerons d’ailleurs plus tard par la bouche de M. de Morny comment la propriété n’a pas été atteinte le même jour.

Le sort des deux attentats fut bien différent. La France, emportée par le désir de réagir contre la surprise révolutionnaire du 24 février, affolée par les souvenirs de 1793, donna des millions de suffrages au faux Napoléon Ier, tandis qu’elle accueillit l’attentat contre la propriété avec une répulsion dont les preuves ne nous manqueront pas. Au reste, le témoignage anticipé de cette condamnation éclate dans les opinions, dans les discussions, dans le silence même ou l’impuissance des passions dont nous avons retracé le tableau. Un seul député s’est trouvé en qui Louis-Napoléon a pu se flatter un moment d’avoir un acolyte; mais, le jour de la discussion venu, M. Jules Favre a repoussé par son silence une complicité dont l’apparence ne pouvait tenir qu’à une erreur de jurisconsulte. On pout donc affirmer que de 1848 à 1852, comme de 1830 à 1848, l’auteur des décrets de confiscation des biens d’Orléans ne peut invoquer la connivence d’aucune des passions politiques qui se sont donné carrière pendant cette période révolutionnaire et profondément agitée : ces décrets lui appartiennent tout entiers.


III.

Après avoir étudié dans le passé, à la lumière des discussions publiques, le mouvement des passions ennemies de la royauté de juillet, nous avons constaté que l’idée des décrets de confiscation

  1. « Il me tarde de m’asseoir au milieu des représentans du peuple qui veulent organiser la république sur des bases larges et solides. » (Lettre à M. Pyat, juillet 1848.)
    « La république démocratique sera l’objet de mon culte, j’en serai le prêtre. » ( Proclamation pour remercier les électeurs.)
    « Protéger la propriété, c’est garantir l’indépendante et la sécurité de la possession, fondemens indispensables de la liberté civile. » (15 octobre 1848.)
    « Mon nom peut servir à l’affermissement et à la prospérité de la république. Que ceux qui m’accusent d’ambition connaissent peu mon cœur ! » (Discours à l’assemblée, 26 octobre 1848.)
    « Mon concours est acquis d’avance à tout gouvernement protégeant efficacement la religion, la famille, la propriété.» (Manifeste pour l’élection du président de la république.)
    « En présence de Dieu et devant le peuple français, représenté par l’assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la république démocratique, une et indivisible, et de remplir tous les devoirs que m’impose la constitution, » (Serment de Louis-Napoléon, 20 décembre 1848.)