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dernier article maintient d’ailleurs d’une manière générale la prescription de la vente des biens réunis au domaine de l’état par le décret du 22 janvier, et cette fois sans en rien excepter. Le détour est trouvé, l’acquiescement aux dotations dont l’origine répugnait entrera par la porte dérobée du nouveau décret dans la conscience des donataires. On connaît d’avance le langage qu’on leur tiendra désormais. « Vous résistiez à la pensée de subventions dont vous ne compreniez pas bien l’origine toute légale; par des considérations de bonne administration, nous avons renoncé à les prélever sur les biens qui ont fait récemment retour à l’état. C’est maintenant à des bois de l’état dont la vente a été autorisée il y a deux ans, en 1850, que nous demanderons le capital nécessaire à la constitution des dotations promises. Le trouble inconsidéré qui s’était emparé de votre esprit doit donc disparaître avec la cause qui l’avait provoqué. » C’est ainsi que fut éludée l’une des difficultés qu’avait suscitées le décret du 22 janvier. Après la violence, la ruse. Ce mauvais pas une fois passé, les biens d’Orléans furent vendus à leur tour, et plus tard, après que ce trop faible orage d’une morale importune eut été calmé, le décret de confiscation reparut avec ses ventes et son cortège de dotations, excepté l’attribution du reste de la fortune foncière à la Légion d’honneur, dont il ne fut plus question.

Cependant le décret du 22 janvier avait à subir une dernière épreuve qui ne pouvait être évitée. La transformation d’une partie des biens d’Orléans en capitaux s’accomplissait par la voie administrative au moyen des ventes opérées par le domaine de l’état sans le concours du corps législatif. Il ne pouvait en être de même pour les revenus de la partie non aliénée de ces biens, qu’il fallait finir par inscrire au budget. Il est vrai que, fidèle à la marche cauteleuse dont le décret du 27 mars avait été le premier pas, on avait attendu jusqu’au projet de budget de 1854, en ayant soin de faire figurer ces nouvelles recettes, sans aucune désignation spéciale, dans la masse des recettes de même nature. La conscience du plus éloquent, du plus libéral des orateurs de la chambre sut bientôt les y découvrir. Le discours prononcé par M. de Montalembert dans la séance du 20 mai 1853 se lie si intimement à cette étude, que notre œuvre ne serait point complète, si nous n’en transcrivions les principaux passages. Ce discours se détache d’ailleurs sur le fond de l’histoire parlementaire par une singulière destinée. Mutilé par les rédacteurs du compte rendu officiel, il a figuré au Moniteur sous cette forme bizarre et inanimée que le gouvernement absolu avait imposée comme un châtiment à l’éloquence politique. Les paroles de l’orateur, l’émotion sympathique de l’assemblée, les inter-