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dorénavant reconnaître l’autorité que le gouvernement s’était réservée sur eux dans un traité signé en 1827 avec le Vatican. Leur déclaration de guerre fut suivie d’une révolte ouverte; dans le duché de Bade, l’archevêque de Fribourg procéda de sa propre autorité à la nomination des curés. Le gouvernement alarmé accepta en 1859 un concordat où l’état souscrivait à tous les désirs de Rome. Les chambres cependant déchirèrent en 1860 ce pacte, qu’elles considéraient comme humiliant, et imposèrent au grand-duc un ministère libéral. Dans le duché de Hesse Darmstadt, les entreprises du clergé réussirent pleinement. L’évêque de Mayence put fonder des séminaires au mépris de la loi, et bientôt après il arrachait à M. de Dalwigk un concordat secret qui dépouillait le gouvernement de tout droit de surveillance sur les affaires ecclésiastiques. Ce traité n’a été rompu que par l’entrée de la Hesse-Darmstadt dans l’empire germanique.

La Prusse, troublée en 1830 par l’affaire dite des mariages mixtes, avait su conquérir depuis 1849 la bienveillance du saint-siège. Les égards de Frédéric-Guillaume IV envers l’église avaient obtenu le pardon et l’oubli de l’emprisonnement brutal des archevêques de Cologne et de Posen, ordonné par Frédéric-Guillaume III, et Pie IX avouait alors que de tous les états européens la Prusse était celui où l’église romaine jouissait de la plus grande liberté. En retour de cette liberté, l’épiscopat prussien favorisait la réaction féodale en lui prêtant l’appui de sa propre hiérarchie. C’était l’âge d’or; Rome ne laissait point refroidir le zèle inattendu d’un prince hérétique, et envoyait au président du conseil des ministres, M. de Manteuffel, la croix d’un de ses ordres. Depuis quelques mois cependant, M. de Bismarck, que semble avoir surpris désagréablement l’apparition de nombreux députés ultramontains dans les conseils de l’empire, se sentant débordé, a dû bientôt changer de politique à l’égard du clergé. On ne peut d’ailleurs destituer à Berlin les professeurs protestans qui n’admettent pas le dogme de la Trinité, et donnera Munich la main aux vieux catholiques. Aussi, le 21 juillet dernier, le chancelier a-t-il été forcé de porter au parti un coup des plus sensibles, il a supprimé la section catholique, établie au ministère des cultes depuis 1841, pour la fondre dans la direction commune à toutes les confessions, où l’église romaine se trouve ainsi sur le pied de toutes les autres. En même temps, M. de Mühler a reçu l’ordre de maintenir à leur poste les professeurs vieux catholiques chargés de l’enseignement religieux, qui avaient été suspendus par leurs évêques.

Ainsi voilà sur toute l’étendue de l’Allemagne une lutte sérieuse engagée entre l’église romaine et les catholiques insoumis, sou-