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nous fait toucher au point où les reptiles, déjà peut-être organisés pour une respiration aérienne, n’avaient pas encore cessé d’être nageurs pour devenir marcheurs. Les ganocéphales sont, à vrai dire, des labyrinthodontes moins avancés. L’ossification de leurs vertèbres est imparfaite, la disposition ainsi que la structure de leurs dents les rapprochent de plusieurs poissons. Leur taille (comme il arrive presque toujours lorsque l’on a sous les yeux les termes primitifs d’une série) s’amoindrit en face des labyrinthodontes du trias. Le plus grand des ganocéphales, l’archegosaurus, ne mesurait pas plus de 1 mètre de long. Les membres étaient faibles et plutôt disposés pour nager ou ramper que pour la marche, ils se terminaient pourtant par des extrémités pourvues de doigts distincts. Leurs habitudes étaient carnassières comme celles des labyrinthodontes. Ils étaient à ceux-ci ce qu’est à la grenouille le type des salamandres, des tritons et des protées, qui tous s’arrêtent à certains degrés de la métamorphose, et demeurent plus ou moins têtards durant toute leur vie.

Les protées, petits batraciens aveugles des lacs souterrains de la Carniole, constituent, au sein de la nature actuelle, un de ces groupes singuliers destinés à fournir un terme précieux de comparaison avec les êtres d’autrefois, et à servir de trait d’union entre des catégories dont ils contribuent à atténuer la distance ; ils se lient aux poissons par l’axolotl, la sirène et le lépidosirène, types de plus en plus ambigus. Le dernier présente même le corps écailleux, les branchies intérieures et jusqu’à la vessie natatoire des vrais poissons. De plus l’intestin du lépidosirène est garni en dedans d’une lame contournée en spirale, à peu près comme une vis d’escalier qui serait appliquée contre les parois d’une tour ronde et vide dans le milieu. Cette structure caractéristique se retrouve encore chez les sélaciens, c’est-à-dire chez les poissons cartilagineux, qui comprennent les squales et les raies, et dont l’existence au sein des mers primitives ne saurait faire l’objet d’un doute.

L’état cartilagineux, évidemment antérieur à l’état osseux, a dû être commun à l’ensemble des vertébrés à ce moment de leur histoire, où tous également étaient encore aquatiques ; il n’est pas surprenant qu’il ait pu se former alors des êtres joignant à la structure cartilagineuse une perfection relative, supérieure à plusieurs égards à celle de certains types osseux survenus plus tard. C’est ce que l’on remarque chez les sélaciens, que l’on sépare maintenant des vrais poissons pour les ranger dans une catégorie à part ; non-seulement ils s’accouplent réellement, mais leurs femelles ont une sorte de matrice où les œufs séjournent et souvent même éclosent avant la ponte. Plus forts, plus vivaces, plus élevés par certains côtés, plus voisins en tout cas du point de départ, ils ont peu changé