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dans le cours des temps, tandis que les poissons ordinaires ne sont pour ainsi dire que le dernier terme d’une longue suite de transformations. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner des connexions que présentent les sélaciens avec les autres classes de vertébrés et particulièrement avec les reptiles nageurs et marins, mais à respiration aérienne, appelés énaliosauriens, auxquels était dévolu dans les anciennes mers le rôle attribué aux cétacés dans les nôtres. Il a été possible en effet de constater chez les plus répandus de ces animaux, les ichthyosaures, l’existence de la disposition spirale de l’intestin que nous avons signalée comme caractérisant à la fois les sélaciens et le lépidosirène. On y est parvenu par l’observation des excrémens fossiles ou coprolithes, quelquefois occupant encore leur place naturelle à l’intérieur de l’animal, et fournissant en tout cas la preuve visible de la structure de l’intestin. Ajoutons la découverte d’un petit ichthyosaure tout formé, renfermé dans la cavité abdominale d’un sujet adulte, et nous pouvons affirmer que, chez ces monstres marins d’autrefois, l’éclosion des œufs précédait la ponte, comme chez les sélaciens et chez plusieurs reptiles.

Les houillères du Canada, de l’Ohio, de la Caroline, celles de l’Irlande et de la Grande-Bretagne ont fourni une riche moisson de découvertes qui ont successivement élevé le nombre des reptiles primitifs. Néanmoins ils ne sont encore que très imparfaitement connus, la plupart n’ont pu être détachés de la gangue où leur squelette demeure engagé. On remarque chez eux une trop grande variété de caractères pour croire qu’ils rentrent naturellement dans le cadre des deux ou trois familles que l’on a établies, et pourtant tous plus ou moins présentent des indices d’une sorte d’affinité mutuelle et générale qui empêche de reconnaître en eux une réunion de types isolés et distincts. Les termes de ganocéphales et de labyrinthodontes, selon M. Gaudry, excellent juge en pareille matière, représentent non pas deux familles, mais deux états successifs que les reptiles primitifs auraient traversés, et dont l’un, celui de ganocéphale, serait à l’autre, celui de labyrinthodonte, ce que le têtard est à la grenouille. On est même en droit de supposer par-delà les ganocéphales l’existence d’un ou plusieurs états de reptiles, opérant une transition plus marquée encore vers une organisation purement aquatique, branchiale et cartilagineuse. En effet, de l’absence de reptiles dans un terrain plus ancien que celui des houilles, on ne saurait conclure qu’ils n’ont point existé. Il faut dire seulement que, là où les fossiles cessent, les êtres eux-mêmes tendent à revêtir cet état de faiblesse et d’obscurité qui caractérise également l’enfance chez l’individu et le début chez les races.

À coup sûr, les reptiles qui se traînèrent les premiers sur le sol humide, les vertébrés pisciformes ou salamandroïdes qui parvinrent