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glissaient, sans trop d’obstacles, à travers les feuilles, les rameaux, les branches tombées, sous les fougères et dans les détritus humides aussi bien qu’au sommet des tiges et jusque dans leur intérieur. Là où l’homme et la plupart des vertébrés n’auraient pu ni subsister ni même se soutenir, sur un sol imbibé, tremblant et vaseux, au milieu des plantes serrées, dépourvues encore de fleurs et de fruits, ne possédant même pour la plupart aucune des qualités nutritives qui les font rechercher par les animaux supérieurs, dans cette nature si ingrate à tant de points de vue, les insectes avaient déjà leur place marquée. — Un peu plus tard, immédiatement après l’âge du trias, sur lequel les renseignemens relatifs aux insectes sont rares et incomplets, nous les retrouvons à l’origine même du lias, et nous pouvons mesurer sans peine les progrès accomplis par cette classe depuis le terrain houiller. M. Heer a décrit cent quarante-trois espèces d’insectes infraliasiques, provenant d’une seule localité d’Argovie. Les coléoptères ou scarabées sont prépondérans dans ce nouvel ensemble, où reparaissent les blattes et les termites. Les insectes suceurs (cicadelles ou rhynchotes), qui vivent de la séve des plantes, commencent à se montrer ; mais les papillons, les abeilles, les fourmis et les mouches sont encore à peu près inconnus. Les insectes broyeurs, carnassiers, mangeurs de bois et de feuilles, dominent sur tous les autres, et le mouvement dont nous avons marqué le début continue en s’accentuant. Plus tard seulement le premier papillon a été rencontré dans les schistes jurassiques de Solenhofen à côté de l’archeopterix ; mais celui-ci, nous l’avons vu, n’est encore oiseau qu’à moitié, tandis que le papillon en question ne diffère pas de nos sphinx ou papillons crépusculaires.

Les données que nous venons d’esquisser, malgré les lacunes que l’avenir comblera et celles qui subsisteront toujours, laissent entrevoir une vaste réunion de parties évidemment solidaires. Tout se tient dans l’œuvre de la vie naissante, comme dans la série d’évolutions qui jalonnent sa route. La vie, avant de se manifester à l’air libre, a dû quitter le sein des eaux ; cette origine est la même pour les animaux et pour les plantes. Les deux règnes en ont gardé l’empreinte ; elle est en eux comme un vestige de la filiation qui rattache leur berceau à l’élément aquatique, et le principe du philosophe Thalès reste encore vrai. Les organes reproducteurs des plantes inférieures, les larves de beaucoup d’insectes, celles même des vertébrés terrestres les plus imparfaits, exigent la présence de l’eau, et tous les êtres, pour exister normalement en dehors de cet élément, ont dû se ménager un réservoir liquide intérieur où leurs particules élémentaires demeurent plongées. Bien plus, à se fier à