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tageux, parce que les loyers sont à un taux d’intérêt représentant 12 pour 100 du capital. Dans la plupart des villes des États-Unis, les petites maisons d’artisan se vendent de 4,000 à 10,000 fr., et il est très fréquent que l’ouvrier aisé se rende acquéreur de son habitation; mais alors il doit supporter des taxes directes qui sont écrasantes. C’est ainsi qu’un manœuvre irlandais de Buffalo, qui était parvenu à se construire une maison d’une valeur de 6,000 francs, payait pour les contributions directes 200 francs par année. Le conseil municipal ayant entrepris de faire des égouts, cette maison dut contribuer à cette dépense jusqu’à concurrence de 310 fr. Toutes les autres entreprises d’amélioration votées par le conseil municipal, telles que le pavage, l’éclairage, sont l’origine de taxes non moins exorbitantes. Si les artisans qui gagnent 3 ou 4 dollars par jour sont fort à leur aise, on conçoit qu’il en soit autrement de la dernière classe des ouvriers. Les consuls anglais s’accordent à dire qu’un manœuvre chargé de famille a de la peine à subsister. Beaucoup de ménages ouvriers sont très endettés. On calcule qu’à Philadelphie un mécanicien ayant une femme et trois enfans a besoin pour vivre confortablement de 2 livres sterling 13 shillings 3 pence (67 francs) par semaine, tandis qu’un ouvrier de la même catégorie en Angleterre pourrait se tirer d’affaire avec 1 livre sterl. 11 shillings 10 pence (40 fr.).

Le consul de Savannah émet l’opinion qu’un artisan de cette ville est moins heureux avec un salaire de 3 dollars 1/2 ou 17 francs 50 par jour qu’un artisan anglais avec une rétribution de 6 shillings ou 7 fr. 50. Une société philanthropique du Maine a dressé les budgets de trente-cinq familles, prises parmi les différentes catégories d’ouvriers, et a trouvé que la plus grande partie de ces budgets se soldait en déficit. La dépense moyenne de chacune de ces familles montait à 701 dollars, tandis que les recettes n’atteignaient guère que 683 dollars 1/2; le déficit à combler, soit par la charité, soit par l’emprunt, était donc en moyenne de plus de 17 dollars 1/2 (87 fr. 50) par ménage. Le consul de Buffalo critique l’opinion courante qu’un ouvrier débarquant aux États-Unis trouve facilement de l’ouvrage : le nouveau-venu est exposé au contraire à bien des déboires et le plus souvent reste des semaines entières sans travail. Les économies ne sont pas rares parmi les artisans rangés et habiles, surtout parmi les célibataires prévoyans. Un homme qui n’a pas charge de famille jouit de toutes les facilités pour améliorer sa position : s’il sait affronter quelques privations, il s’amasse en peu d’années un pécule; mais, bien que les caisses d’épargne aient pris un considérable accroissement, il s’en faut, assure-t-on, que l’économie soit aussi en honneur chez les ouvriers d’Amérique que chez