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ritable, ami de la conciliation et du pardon ; mais l’énergie, qui est l’âme des vertus publiques, lui manquait. Il avait assisté au concile d’Éphèse dans ce parti de catholiques modérés qui repoussaient les excès de doctrine en même temps que l’esprit de persécution, parti dont Théodoret était resté le chef. Flavien était en correspondance intime avec lui ; cependant il ne possédait point cette trempe de caractère qui rendait l’évêque de Cyr, frappé de relégation, si redouté des hommes de trouble et si respecté des autres. Sa foi était la foi orthodoxe, également éloignée des tendances nestoriennes et apollinaristes. Il connaissait Eutychès et le ménageait, non assurément par sympathie d’idées, mais par tolérance et mansuétude de cœur, ne le croyant pas dangereux, et sentant bien néanmoins qu’il ne fallait pas donner à son orgueil le stimulant de la persécution.

Flavien n’était pas bien en cour, et pour plusieurs raisons. En premier lieu, il avait contrarié l’eunuque Chrysaphius en acceptant une place que celui-ci convoitait pour son parrain Eutychès ; en second lieu, il l’avait blessé dans son avarice. Un usage qui sentait beaucoup la simonie s’était introduit dans l’église de Constantinople. Depuis assez longtemps, probablement depuis la domination des eunuques, il était de règle que l’archevêque nouvellement nommé dans la ville impériale envoyât à l’empereur comme don de bienvenue des eulogies : on appelait ainsi des pains de farine choisie, non consacrés, mais bénits, que les évêques envoyaient aux personnages à qui ils voulaient faire honneur. L’avidité des fonctionnaires du palais avait peu à peu transformé ces pains en une somme d’argent que l’on appelait pareillement les eulogies. C’était un honteux tribut que les archevêques de Constantinople s’étaient résignés à payer pour bien vivre avec la cour. Flavien s’y refusa, et à la réclamation qui lui fut faite par Chrysaphius des eulogies qu’il avait oubliées, il envoya pour l’empereur quelques petits pains de pur froment. Chrysaphius ne voulut pas les recevoir. « Ce n’est pas du pain qu’on envoie à l’empereur, lui fit-il dire, c’est de l’or. » L’archevêque répondit qu’il n’en avait point, que le revenu des églises appartenait à Dieu d’abord, puis aux pauvres, et, comme Chrysaphius insistait, il lui envoya les vases sacrés de sa basilique. La colère de Chrysaphius fut au comble ; il repoussa sans doute ces étranges eulogies, qui auraient fait de lui aux yeux du peuple un spoliateur du sanctuaire ; mais il ne le pardonna jamais Flavien.

Une troisième aventure brouilla Flavien avec l’empereur. On a vu comment la guerre s’était renouvelée dans le palais entre Pulchérie et son frère. Théodose, grâce à la coalition d’Eudocie et du grand-chambellan, avait fini par se persuader que l’honneur de son règne allait être terni, si l’ancienne régente n’était absolument