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trouble nouveau dans l’église. — Je n’y retournerai point, répliqua aigrement l’ancien avocat ; je suis trop las d’entendre ses blasphèmes. » Le concile décida qu’Eutychès serait mandé devant lui en vertu de la requête.

Six jours après, les évêques se réunissaient de nouveau ; Eusèbe avait pris place au banc des accusateurs. Remarquant qu’ils n’étaient que dix-huit sur quarante présens à Constantinople, il se plaignit de ce petit nombre, et fit observer que probablement on ne les avait pas tous convoqués : le reproche tombait directement sur Flavien, qui se défendit en promettant de stimuler le zèle des absens. Eusèbe requit la lecture des deux lettres principales de Cyrille sur l’incarnation, savoir : le tome à Nestorius et une lettre adressée par ce patriarche à celui d’Antioche. La lecture achevée, il déclara que c’était là sa croyance et le thème de son accusation contre Eutychès, invitant les membres du concile à faire une semblable déclaration. Flavien fit alors une brève exposition de sa foi, qui fut inscrite au procès-verbal, et que nous donnerons ici tout entière comme une pièce de grande importance dans le procès. « Je crois, dit-il, que Jésus, fils de Marie, est Dieu parfait et homme parfait, composé d’une âme raisonnable et d’un corps, consubstantiel à son père selon la divinité et à sa mère selon l’humanité, et que des deux natures unies en une hypostase et une personne il résulte après l’incarnation un seul Jésus-Christ. » Les dix-sept évêques présens répétèrent la même profession de foi quoique en termes différens. On remit à la séance suivante l’audition des commissaires chargés de présenter à Eutychès la citation à comparaître devant le concile ; or voici ce qui était arrivé.

L’archimandrite avait refusé la cédule d’assignation en disant qu’il avait fait vœu de ne point sortir de son monastère et d’y demeurer en quelque sorte comme dans un sépulcre, puis il avait déclaré entre leurs mains, comme représentant le concile, que l’évêque Eusèbe, son mortel ennemi depuis longtemps, n’intentait cette accusation que pour lui faire injure. « Je suis prêt à souscrire aux expositions de foi des pères de Nicée et d’Éphèse, avait-il ajouté ; mais, s’ils se sont trompés en quelque expression, je ne veux ni la reprendre ni la recevoir, car je n’étudie que l’Écriture comme plus certaine que les expositions de doctrine. Ma foi est celle-ci : après l’incarnation, j’adore une seule nature du Verbe incarné. » C’était une phrase de Cyrille qu’il reproduisait, phrase ambiguë, obscure, comme plusieurs des anathématismes, et sur laquelle Eutychès avait en partie construit son système. « On m’a calomnié en me faisant dire que le Verbe a apporté sa chair du ciel : je ne l’ai point dit ; mais, que notre seigneur Jésus soit fait de deux natures unies selon l’hypostase, je ne l’ai point appris dans les expositions des pères, et