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contenir, avec la réprobation d’Eutychès, l’approbation de la doctrine et de la conduite de Flavien. Les légats ne réclamèrent point pour le moment, attendant une occasion qui ne pouvait leur échapper, pensaient-ils. L’instant des expositions de foi étant venu, le président du concile se hâta de prendre la parole. « Nous sommes assemblés ici, dit-il, non pour nous examiner les uns les autres, mais pour juger si certaines opinions nouvelles concordent avec la doctrine des pères. Ne perdons point de temps en discussions stériles. Voudriez-vous changer la foi des pères ? — Non, non, cria-t-on de tous côtés ; si quelqu’un la change, qu’il soit anathème ! si quelqu’un y ajoute, qu’il soit anathème ! Restons dans la foi des pères ! — Puisque vous êtes d’accord sur la question générale, se hâta de dire le comte Elpidius, passons aux affaires particulières : qu’on fasse entrer l’archimandrite Eutychès ! » La lecture était encore éludée.

Eutychès entra. Ce n’était plus l’humble moine malade et abattu du concile de Constantinople, qui abritait ses réponses sous cette formule prudente : « je dirai cela, puisque vous le dites ; j’obéis à mes supérieurs. » Sa démarche était ferme, son allure hautaine. Quoique déposé canoniquement de sa dignité, il portait le costume des archimandrites, que Dioscore lui avait rendu, et tenait à la main un rouleau de papier. Après avoir promené son regard de l’église sur l’assemblée, il dit : « Je me recommande au Père, au Fils, au Saint-Esprit et à votre justice. Vous avez été les témoins de ma foi, car nous avons combattu ensemble pour la vérité dans cette même enceinte où je comparais aujourd’hui comme un coupable. J’ai exposé ma croyance dans la requête que voici, et que je désire qu’on vous lise. » Il tendit le papier au protonotaire, qui le prit et le lut. La requête commençait par la transcription du symbole de Nicée, à laquelle était jointe cette déclaration : « je proteste vivre et mourir dans ces sentimens, et j’anathématise Manès, Valentin, Apollinaire, Nestorius et tous les hérétiques jusqu’à Simon le Magicien. » Il entrait alors dans le récit des faits de sa cause, arrangés très habilement et très artificieusement. « Eutychès, y était-il dit, vivant sous cette foi, Eusèbe, évêque de Dorylée, l’avait dénoncé pour fait d’hérésie, sans spécifier laquelle, espérant que, surpris et troublé de cette attaque inattendue, Eutychès donnerait prise à l’accusation par quelque réponse irréfléchie qu’on tournerait contre lui. L’archevêque Flavien l’avait alors cité à comparaître devant un concile, sachant qu’il avait fait vœu de ne point sortir de son couvent, et afin de le condamner en son absence comme contumax. Au reste, sa sentence était déjà rendue avant sa comparution, et le silentiaire Magnus, que l’empereur avait attaché à sa garde, en avait porté témoignage sous serment. Les détails de l’interrogatoire étaient