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dénaturés dans le même esprit d’inimitié contre Flavien. L’archevêque n’avait eu aucun respect pour ses cheveux blancs, aucun pour les combats soutenus par lui contre les hérétiques ; son appel interjeté au milieu du concile, l’archevêque n’avait pas voulu le recevoir, et après avoir condamné l’accusé de sa propre autorité en dehors du droit canonique, il l’avait livré aux fureurs d’une populace ameutée, de sorte qu’il était perdu sans une protection particulière de la Providence.

Telle était en résumé la requête d’Eutychès. Quand elle eut été lue, Flavien se leva et dit : « Vous avez entendu l’accusé, il faut entendre maintenant l’accusateur, et Eusèbe de Dorylée n’est pas ici. — Il n’est pas besoin qu’il y soit, reprit le comte Elpidius, et l’empereur l’a exclu de cette assemblée : l’accusateur a rempli sa fonction, il prétend avoir gagné sa cause ; eh bien ! soit. Ce qui se passe ici ne le regarde plus ; vous êtes réunis pour juger les juges, pour casser ou confirmer un jugement rendu, et non pour recommencer un procès. » Puis, s’adressant au président, Elpidius ajouta : « Il nous reste à connaître les actes du concile de Constantinople, ordonnez qu’on les lise ! » Dioscore mit aux voix cette lecture : la plupart des évêques opinèrent pour l’affirmative, mais les légats du pape s’abstinrent. « N’êtes-vous pas de cet avis ? demanda le président inquiet en interpellant l’évêque de Pouzzoles. — Nous ne nous y opposons pas, répondit celui-ci ; mais nous voulons qu’on lise auparavant la lettre du pape. — Nous insistons d’autant plus, ajouta le diacre Hilaire, que le très saint évêque de Rome n’a libellé cette lettre qu’après s’être fait communiquer les actes dont vous proposez la lecture. » À ces mots, qui lui firent craindre qu’on n’obtempérât à leur réquisition, Eutychès se hâta de dire : « Les envoyés du très saint archevêque de Rome me sont devenus suspects, car ils logent chez l’évêque Flavien ; ils ont dîné chez lui, et il leur a rendu toute sorte de services ; je les récuse donc, et supplie que ce qu’ils pourront faire ou dire ne me nuise point. » Dioscore expliqua que dans l’ordre de la procédure il était bon de lire premièrement les actes de la cause, la lettre du très saint évêque de Rome viendrait ensuite. Elle ne vint point.

La lecture des actes de Constantinople suscita quelques débats parmi les évêques, dont plusieurs qui avaient assisté à ce concile cherchèrent à expliquer ou mitiger ce qu’ils avaient dit alors. Quand on fut arrivé à l’endroit de la dernière séance où l’accusateur Eusèbe pressait Eutychès de confesser deux natures en Jésus-Christ après l’incarnation, un grand tumulte se fit dans l’assemblée ; beaucoup de voix crièrent : « Qu’on chasse, qu’on brûle Eusèbe ! qu’Eusèbe soit brûlé vif ! qu’il soit coupé en morceaux ! comme il a divisé