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Ils y disaient que, touchés des promesses de Dieu, ils avaient quitté leurs biens, leur dignité, leurs charges, leurs espérances, pour former une communauté de moines jusqu’au nombre de trois cents, sous la direction du très pieux archimandrite Eutychès, et que la plupart d’entre eux y vivaient depuis plus de trente ans. Au lieu de les encourager et de les protéger, l’archevêque Flavien avait opprimé leur chef par des calomnies, l’avait déposé, et leur avait fait ordonner par ses prêtres, à eux les fils spirituels d’Eutychès, de se séparer de lui et de s’abstenir même de lui parler. En même temps il mettait leurs biens sous le séquestre pour les administrer au profit des pauvres, ce qui n’était qu’un pur mensonge, car il n’avait pas d’autre but que de les confisquer à son profit. « On nous menaçait des plus durs châtimens, ajoutait la requête, si nous n’obéissions pas, et même de la privation des saints mystères… La menace s’est accomplie. Le saint autel du couvent, consacré depuis six mois à peine par le même évêque, est resté sans sacrifice, et cette injuste punition a pesé sur nous jusqu’à la réunion de votre saint concile. Quelques-uns de nos frères morts dans l’intervalle ont été exclus des sacremens et de la sépulture ecclésiastique. Dans cet état d’affliction, nous avons vu passer la fête de la nativité du Seigneur, celle de l’Epiphanie, celle enfin de la résurrection, où les évêques absolvent les pécheurs et les princes font grâce aux criminels. Neuf mois dur ; nt nous avons souffert ce traitement rigoureux, observant en tout le reste les règles de la vie monastique. C’est pourquoi nous venons vous supplier d’avoir pitié de nous, de nous rendre l’usage des sacremens, et de traiter comme il nous a traités lui-même le juge qui a prononcé contre nous cette sentence inique. »

En toute autre circonstance, de telles paroles, jetées à la face d’un supérieur ecclésiastique, eussent été sévèrement réprimées par une assemblée d’évêques qui tous avaient intérêt à faire respecter leur pouvoir et leur dignité vis-à-vis de communautés monastiques trop portées à les méconnaître ; mais ici la passion ou la peur fit taire la voix de la raison. Dioscore ne jugea point à propos de s’enquérir si les faits dénoncés étaient vrais ; il ne demanda point à Flavien ce qu’il avait à répondre aux imputations de ses subordonnés, et, comme la parole avait été interdite à celui-ci par le rescrit de l’empereur, sauf pour les nécessités de la cause, Dioscore ne l’invita point à se défendre, ne fût-ce qu’afin d’éclairer le concile ; mais, passant à des idées d’une autre nature, il s’enquit près des solitaires de leur sentiment sur la foi. « Nous pensons, répondirent-ils, comme les conciles de Nicée et d’Éphèse, comme l’archimandrite pour lequel nous avons souffert. » L’un d’eux ajouta en manière de flatterie : « Nous croyons tout ce que croit le saint concile ici assemblé.  » Là--