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algues marines. Les végétaux comme les animaux terrestres n’apparaissent que plus tard.

On a signalé quelques dents de poissons dans les couches siluriennes supérieures, mais c’est seulement dans la période suivante, comprenant les terrains dévonien, houiller et permien, qu’ils deviennent nombreux. Tous appartiennent à l’ordre des poissons cartilagineux (raies, requins, etc.), et leur peau, couverte d’écailles, est seule restée après la destruction du squelette et des parties molles; leurs formes, bien différentes des formes actuelles, rappellent celles des embryons de nos poissons vivans. C’est une vérité qu’Agassiz a le premier révélée au monde savant; il l’a confirmée en montrant que le jeune lepidostê, poisson étrange vivant dans les rivières de l’Amérique du Nord, a une queue qui rappelle complètement celle des poissons de l’époque dévonienne. Nous touchons donc du doigt le parallélisme que nous annoncions entre le développement embryologique et la série paléontologique. Un poisson dévonien adulte est l’embryon d’une espèce actuelle, tous deux sont sortis d’un œuf identique; mais dans les premiers âges de la terre le poisson fossile s’est arrêté dans son développement, il a conservé sa forme embryonnaire, le poisson vivant a continué son évolution et s’est élevé de plusieurs degrés dans l’échelle animale.

Tous les animaux appartenant aux ordres compris entre les zoophytes et les poissons continuent à se multiplier et à se diversifier dans les terrains houiller et permien, qui succèdent au dévonien. Conformément à l’ordre hiérarchique, nous voyons apparaître dans ce dernier terrain les premiers amphibies intermédiaires entre les poissons et les reptiles écailleux. Tels sont les labyrinthodon, espèces de grenouilles gigantesques. Nous ne connaissons guère que les traces de leurs pas conservées par les grès de cette époque. Ces grès, comme tous les autres, étaient d’abord des sables mous et humides des bords de la mer. L’animal en marchant y a imprimé en creux la forme de ses pattes. Ces moules se sont remplis immédiatement de sable apporté par les marées. Ce sable en se durcissant est devenu du grès, et à la face inférieure des plaques qui le composent l’on voit en relief les moules saillans des empreintes creuses que l’animal avait laissées sur le sable. Les mieux conservés ont été recueillis aux environs de Lodève, dans le département de l’Hérault, et près de Hildburghausen en Saxe. L’archegosaurus du terrain houiller n’est point un saurien, c’est un autre amphibie rappelant l’organisation des protées, qui forment dans la nature actuelle le passage des poissons aux reptiles. On voit que l’apparition successive des formes paléontologiques suit pas à pas la classification ascendante des animaux vivans.