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ancienne loi Oppia, en 215, contre le luxe des femmes, et depuis la loi Orchia en 181 sur les profusions des repas, les règlemens somptuaires s’étaient inutilement succédé. Le fléau que l’anarchie d’une république aristocratique avait laissé grandir, la perte absolue de la liberté ne l’avait pas conjuré. Tibère lui-même s’était effrayé de la contagion, et, quoique justicier sévère, il n’avait point osé entreprendre une réforme qui n’eût fait peut-être qu’amonceler des ruines.

Certainement Tacite, en écrivant sa Germanie, avait cette lutte toujours présente à la pensée. Combien de traits dans son livre réveillent en nous, par un rapport inévitable, la mémoire des abus qui se commettaient à Rome et que lui-même dans ses autres ouvrages, ou bien Martial, Juvénal, Pline le Jeune, ses contemporains, nous ont transmis! — L’historien des mœurs barbares loue-t-il les mères germaines d’allaiter elles-mêmes leurs enfans au lieu d’abandonner un tel soin à des nourrices serviles, tout le commentaire de ces paroles se trouve pour nous dans le célèbre vingt-huitième chapitre du dialogue des orateurs, où la sévère et virile éducation que donnaient à Rome les mères républicaines est opposée au crédit des plus vils esclaves, des baladins et des danseurs, devenus pendant l’époque impériale les précepteurs de la première jeunesse. — Tacite déclare-t-il que « borner le nombre de ses enfans ou tuer quelqu’un des nouveau-nés est flétri là comme un crime, » on se rappelle et l’infâme Vélabre, voisin du Forum, où Juvénal dit qu’on exposait les enfans abandonnés, et la contagion d’infanticide contre laquelle les empereurs avaient essayé de lutter en décernant des récompenses aux citoyens pères de trois enfans, jus trium liberorum. — Tacite approuve-t-il chez ces barbares, avec le respect du mariage, les unions non hâtives, de nombreuses inscriptions nous font voir les jeunes Romaines mariées à onze, à dix, et même à neuf ans. Il en était presque de même parmi la noblesse française du XVIIe siècle : le duc de Luynes, à quatorze ans, épousait Mlle de Neufchâtel, qui en avait treize; le célèbre maréchal de Richelieu, qui devait, à quatre-vingt-quatre ans, contracter un troisième mariage, avait célébré à quinze ans ses premières noces ; la reine d’Espagne, femme de Philippe V, s’était mariée à treize ans, Marie-Antoinette à quatorze ans et demi. L’orgueil de ces grandes familles se croyait au-dessus des lois de la nature comme au-dessus des lois humaines; à Rome aussi bien qu’en France, ce fut l’une des causes et le signal de leur chute.

Tacite écrit-il cette seule parole, « chez eux pas de testamens, » nous croyons l’entendre nous renvoyer à l’irrévérencieuse satire d’Horace où Tirésias conseille à Ulysse, ruiné par la guerre de Troie et en quête d’une condition, de courtiser les vieux célibataires et de