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un ouvrage perdu de Salluste. Dans une histoire détaillée de son temps, qui avait dû comprendre la période entre la mort de Sylla et la conjuration de Catilina, Salluste, rencontrant la guerre contre Mithridate, avait parlé en détail des peuples barbares établis alors dans la région du Bas-Danube, et dont plusieurs tribus étaient germaines d’origine. Il avait écrit à ce sujet une digression géographique et ethnographique où il traitait des mœurs de ces peuples, et qui fut ensuite fréquemment citée par les historiens et les rhéteurs. Nous n’en avons conservé que des fragmens, dont quelques mots seuls, à vrai dire, offrent des rapports avec les expressions de Tacite. Qu’y eût-il eu d’étonnant d’ailleurs à retrouver dans Salluste et Tacite, dans Horace et Virgile, des termes analogues pour décrire des coutumes à peu près semblables?

Outre César, Pline l’Ancien et Salluste, il existait encore au Ier siècle un assez grand nombre d’ouvrages historiques parlant des Germains, ouvrages perdus depuis, mais que Tacite a pu consulter sans les citer expressément. Tite-Live, dans le cent quatrième livre de sa grande histoire, avait amplement traité des coutumes de ces peuples. Nul fragment de cette digression ne nous est parvenu; nous la connaissons par le sommaire du livre, et l’on sait que ces sommaires, attribués à Florus, sinon à Tite-Live lui-même, sont des œuvres anciennes ou du moins faites d’après les anciens textes, qu’elles résument. Tite-Live en outre avait suivi avec un évident intérêt dans ses derniers livres les exploits de Drusus; la mort du jeune héros marque le terme définitif de son histoire. Bien que sans doute le chef romain y occupât le premier plan, et les barbares le second seulement, il est clair que de tels récits devaient être d’un grand prix, et rien n’empêche de croire que Tacite les ait pu mettre à contribution. — Strabon, lui aussi, avant de composer le célèbre ouvrage qui nous est resté, avait écrit une histoire en quarante-sept livres destinée à faire suite à Polybe, et dont nous ne connaissons à peu près rien; mais Tacite ne paraît pas même s’être servi du septième livre de la Géographie. Cela s’explique parce que Strabon, écrivant en Orient, a été peu connu des temps qui l’ont suivi : Pline et Pausanias semblent l’avoir ignoré, Plutarque et Josèphe ne citent que son ouvrage historique. — Tacite avait-il sous les yeux le livre que Velléius Paterculus, compagnon d’armes de Tibère en Orient et au-delà du Rhin, s’était promis d’écrire? Connaissait-il celui d’Aufidius Bassus, écrivain si vanté de Quintilien, sur les guerres de Germanie, celui d’Agrippa, ministre et ami d’Auguste, qui avait combattu les barbares et retracé son autobiographie, les œuvres considérables de Nicolas de Damas, l’éloge de Drusus, écrit par Auguste lui-même, les annales de Cremutius Cordus, l’ouvrage de