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la commission exécutive lui adresse une proclamation dans laquelle elle représente ce « citoyen » polonais comme « un soldat dévoué de la république universelle. » Voici enfin comment s’exprimait le 2 avril le journal officiel de la commune : «... Il y a ce parti du passé qui, pendant la guerre, mettait sa valeur au service de ses privilèges et de ses traditions bien plus qu’au service de la France, qui, en combattant, ne pouvait défendre notre patrie, puisque depuis 89 notre patrie, ce n’est pas seulement la vieille terre natale, mais aussi les conquêtes politiques, civiles et morales de la révolution. » Que devient, ainsi entendue, l’idée de patrie? Elle se perd dans les horizons infinis de la république universelle. Les Français, les Allemands, les Anglais, etc., sont supprimés; il n’y a plus que des citoyens du monde, les habitans d’un principe, les fidèles d’une secte. Nous ne sommes plus au temps où Danton, pressé de fuir pour échapper à ses bourreaux, répondait que « l’on n’emporte pas sa patrie à la semelle de ses souliers. » Cette vieille terre natale que l’on aime jusqu’à mourir pour elle n’est plus à la taille du moderne révolutionnaire; il lui faut le monde entier! Au surplus, dans sa logique inflexible, la doctrine supprime les armées permanentes; puisqu’il n’y a plus de patrie à défendre, les soldats deviennent inutiles.

Est-il besoin de le dire? Oui, il existe une région idéale dans laquelle se rencontrent les sentimens de tous les peuples, et qui est pour les intelligences comme une seconde patrie. La communauté des sentimens et des croyances n’est point enfermée dans les frontières géographiques, et la démocratie peut reconnaître partout des coreligionnaires; mais en aucun temps ni chez aucun peuple on ne s’était encore avisé de jeter ainsi au vent la poussière du sol natal. Jamais aucun législateur n’avait osé nier la patrie. C’est la commune qui, s’inspirant de vagues déclamations, a tenté la première de pratiquer cette prétendue doctrine humanitaire, et cela en face de l’ennemi et au lendemain d’une guerre funeste, où la France a senti plus que jamais que la patrie n’est pas un vain mot! Heureusement la doctrine n’est pas dangereuse, parce qu’elle est contraire à l’un des sentimens les plus vifs et les plus profonds de la nature humaine. Il n’est pas inutile cependant de montrer aux foules, qui sont patriotes, de quoi se composait le patriotisme de la commune.

Les actes de la commune relativement à la famille ont été peu nombreux; ils suffisent cependant pour montrer le cas qu’elle faisait de cette institution. Si les maires et adjoints voulaient bien procéder à la célébration civile du mariage, un bon nombre ne prenaient guère au sérieux cette fonction municipale, qu’ils consentaient