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dait non pas occuper gratuitement, mais exproprier pour cause d’utilité ouvrière les établissemens demeurés en chômage. Par quels fonds ou au moyen de quelles garanties les ouvriers auraient-ils payé le prix des ateliers? C’est une autre question. La dette était au moins reconnue. Le 27 avril, par un avis inséré au Journal officiel, le syndicat des mécaniciens invita les autres corporations à choisir des délégués pour la commission d’enquête. « Travailleurs, disait-il, voici une des grandes occasions de nous constituer définitivement et de mettre en pratique nos études patientes et laborieuses de ces dernières années. » La coopération, ce remède souverain, allait donc être pratiquée en grand sous les auspices de la commune, les ouvriers allaient devenir patrons : c’était la fin du prolétariat, l’émancipation des travailleurs ! Les choses en restèrent là. Pas plus que les anciens patrons, les ouvriers n’auraient pu, durant cette affreuse crise, obtenir ni exécuter des commandes, et l’on ne manquera sans doute pas d’attribuer exclusivement aux circonstances l’échec de ce beau plan, jugé digne d’être consacré par un décret. Il suffit de remarquer que, parmi les nombreux systèmes recommandés depuis 1848 pour l’organisation du travail, la commune venait d’adopter l’association coopérative, dont on avait fait tant de bruit pendant ces dernières années.

Il était du reste naturel que la commune accordât toute sa sollicitude à l’examen des questions qui intéressent les ouvriers. Elle comptait dans son sein plusieurs membres influens de la Société internationale des travailleurs, qui pouvait revendiquer une grande part à l’insurrection du 18 mars; en outre elle avait à remplir les engagemens pris envers les ouvriers parisiens, qui formaient l’élite de ses soldats. Après leur avoir dit que la révolution du 4 septembre les avait misérablement trahis, elle était tenue de leur donner quelque satisfaction. Elle avait donc institué une commission du travail et de l’échange, qui tint de nombreuses séances et s’attribua, pour l’étude des questions ouvrières, un rôle analogue à celui qu’avait joué en 1848 la fameuse commission du Luxembourg, présidée par M. Louis Blanc. Elle s’occupa des salaires, de la durée du travail, de la discipline intérieure des ateliers. A vrai dire, elle était dominée par les ouvriers plutôt qu’elle ne les dirigeait, et ses décisions n’étaient le plus souvent que des actes de docilité. Elle faillit bouleverser l’industrie de la boulangerie en interdisant le travail de nuit, contrairement à des habitudes séculaires fondées sur les intérêts de ce commerce et sur les besoins de l’alimentation. Elle voulait abolir les bureaux de placement, dénoncés comme une institution de la tyrannie. Elle supprima dans les ateliers les retenues et les amendes, qui étaient employées cependant à former les caisses