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combien il a été frappé de l’esprit supérieur d’une foule de femmes, anciennes institutrices, qu’il rencontrait dans la société. Habituellement les comités scolaires n’engagent le maître que pour un terme de trois ou quatre mois, et ils ne le paient que pendant ce temps. Rarement l’instituteur reste deux termes consécutifs dans la même école; c’est dans le Connecticut que le mal paraît être le plus général. Il n’est pour ainsi dire point de district qui ait conservé le même maître pendant toute l’année, affirment les rapports des inspecteurs. En 1869, en Pensylvanie, sur les 15,504 instituteurs, — non compris Philadelphie, — 2,579 n’avaient jamais enseigné, et 2,728 avaient enseigné moins d’une année; c’est la même chose dans les autres états. Très fréquemment les comités prennent un instituteur l’hiver, et une institutrice l’été, parce que les hommes trouvent mieux à s’occuper pendant cette saison. On estime que le personnel enseignant est complètement renouvelé tous les trois ans. Rien ne peint mieux l’extrême mobilité des existences en Amérique. Le type du vieux maître d’école, classique en Europe, est une exception là-bas. La plupart des maîtres sont des jeunes filles de vingt à vingt-cinq ans. Ce n’est que dans les grandes écoles des villes qu’on rencontre des instituteurs ou des institutrices qui ont dépassé la trentaine.

Les jeunes filles et les jeunes gens qui s’engagent ainsi momentanément dans l’enseignement primaire ne manquent pas d’instruction. Ils ont suivi les cours d’une école supérieure (high school) ou d’une académie, et ils savent beaucoup de choses dont nos pauvres instituteurs n’ont pas l’idée. En outre ils ont subi un examen, car dans la plupart des états la loi exige un diplôme de capacité; mais ils manquent de préparation pédagogique, car les écoles normales sont relativement peu nombreuses, et l’expérience leur fait défaut, puisqu’ils cessent d’enseigner juste au moment où ils commencent à en acquérir. Ce régime est tellement contraire à ce qui se passe chez nous, que nous pouvons à peine le concevoir. Que serait chez nous une école dont le maître change régulièrement tous les quatre mois? A coup sûr, l’enseignement souffre de ce roulement perpétuel. Certains inspecteurs prétendent qu’ainsi le quart de l’argent dépensé l’est sans fruit. Certes mieux vaut l’école type de la Saxe, avec ses élèves régulièrement présens, avec son maître soigneusement formé dans une bonne institution normale et restant toute sa vie dans le même village; cependant le système américain n’est pas sans avantage. D’abord cette foule innombrable d’instituteurs et d’institutrices, au moins 100,000, qui rentrent chaque année dans les autres situations de la vie, y exercent une excellente influence, car ils savent bien élever leurs enfans. En outre