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les jeunes gens qui débutent constamment dans les écoles y apportent une ardeur, une fraîcheur d’impressions, qui en chassent l’ennui et la monotonie. C’est le trait qui a le plus frappé un excellent observateur, le révérend James Fraser, depuis peu évêque de Manchester[1]. « Les Américains, dit-il, les femmes surtout, montrent bien plus d’aptitude pour l’enseignement que nos maîtres d’Europe. Ces institutrices ont un talent merveilleux pour tirer parti de ce qu’elles savent. Elles sont calmes, énergiques, elles maintiennent la plus stricte discipline sans sévérité, elles sont patientes sans faiblesse ; elles donnent de l’intérêt à tout ce qu’elles enseignent par des récits, des exemples et des explications familières : jamais la classe ne s’ennuie et ne s’endort. Elles sont fières de leur situation et font tout pour élever le niveau de leur classe. Elles se tuent à la peine, et ne pourraient continuer longtemps. Beaucoup d’entre elles, quoique toutes jeunes, ont la santé, les yeux surtout, affaiblis par l’excès de l’étude et de la lecture. » Les élèves travaillent également avec cette intensité, cette fougue que l’Américain apporte dans tout ce qu’il fait. Aussi se plaint-on dans tout le monde scolaire, maîtres et élèves, d’un mal général qui est la trop grande fatigue imposée au cerveau (overworking of the brain). C’est au point qu’il a fallu défendre aux élèves d’étudier pendant les récréations et même hors de classe. Leurs yeux dilatés et brillans, l’agitation fébrile de leurs mains, la maigreur du visage, indiquent que le système nerveux est surexcité à l’extrême. Dès le jeune âge, l’Américain ne connaît point de repos. Pour porter remède au mal, on introduit de plus en plus la gymnastique[2] et les exercices militaires. Il faudrait qu’ils fussent imposés partout.

Les Américains continuent à employer de plus en plus des institutrices au lieu d’instituteurs, et ils s’en félicitent. Dans l’état de New-York, les quatre cinquièmes des écoles sont tenues par des femmes. En 1869, on comptait dans le Massachusetts 5,540 institutrices et seulement 497 instituteurs; à Philadelphie, 1,391 institutrices et 81 instituteurs; dans la ville de New-York, en 1865, 2,057 institutrices et 202 instituteurs. « Il est impossible, dit un surintendant de l’état de New-York, M. Rice, d’estimer assez haut

  1. Voyez son rapport adressé au parlement en 1867. — Report of the common school system of the United-States and Canada, un des meilleurs travaux de ce genre que l’on connaisse. On peut le ranger à côté de celui de M. Cousin sur l’Allemagne et les Pays-Bas.
  2. A Philadelphie par exemple, un admirable établissement de bain a été organisé, le Natatorium, où tous les élèves des écoles publiques apprennent à nager. En Prusse, les soldats l’apprennent également.