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MŒURS FINANCIERES
DE LA FRANCE

LES VALEURS ÉTRANGÈRES

Dès le mois de février 1871, après la signature de l’armistice avec la Prusse et alors que l’assemblée nationale avait à se prononcer sur la redoutable question de la paix ou de la continuation de la guerre, le ministère des travaux publics, à Bordeaux, avait fait préparer, pour la commission chargée de relever la situation des chemins de fer, une carte indiquant les lignes qui pouvaient encore servir à la défense et celles qui étaient en possession de l’ennemi. Les chemins de fer de l’est, du nord et de l’ouest étaient tous dans sa main ou à sa portée, de même que ceux du centre : il n’avait qu’un pas à faire pour annuler l’emploi des lignes du sud ; seul le réseau du sud-ouest semblait hors de son pouvoir. Cette carte, que tous ceux qui l’ont reçue conserveront comme une triste relique d’une époque néfaste, montre clairement combien était complète la prise de possession de notre territoire par l’armée allemande. Nous ne connaissons pas de pièce qui puisse mieux servir à dresser l’inventaire qu’à chacune des crises qu’il subit notre pays a le devoir d’établir pour savoir ce qu’elle lui coûte. Il suffit de citer ce document pour comprendre combien sous ce rapport la dernière crise laisse loin derrière elle toutes les précédentes, et à quel point la France s’est trouvée dans l’impossibilité de poursuivre la lutte avec quelque chance de succès. Sans remonter plus haut dans le passé, le chiffre des pertes que la guerre avec la Prusse en 1870 et l’insurrection de Paris en 1871 ont infligées à la fortune privée et à la fortune publique dépasse singulièrement les sacrifices imposés par la révolution de février et la bataille de juin 1848. Il n’en est pas moins vrai que, tandis qu’alors plus de deux ans s’écoulèrent avant