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in-4° les titres de toutes les grandes lignes, de toutes les sociétés industrielles et des rentes de tous les pays. Encore à la nomenclature de la cote officielle de la Bourse de Paris doit-on ajouter ce que contiennent les cotes du marché libre. Aucune évaluation, aucun raisonnement n’en dira plus sur la richesse mobilière de la France que le rapprochement de ces tableaux.

Dans les progrès de notre prospérité, celui de la richesse mobilière importe surtout, parce que, si elle est plus variable, plus aléatoire que la richesse immobilière, plus sujette aux vicissitudes et aux crises, elle se dérobe aussi plus aisément aux dangers, elle reparaît plus vite avec le calme, et, comme elle gît surtout dans l’appréciation, elle regagne vite son niveau sans qu’aucune déperdition réelle ait eu lieu.

Une autre cause encore peut expliquer la facilité avec laquelle ont été supportés nos récens malheurs : c’est la solidité devenue plus grande de nos mœurs financières. Nos révolutions chroniques ont engendré, dans le monde des affaires, un scepticisme politique, regrettable à certains égards, mais qui n’est pas sans compensations. Le capital, devenu presque indifférent, ne se dérobe plus et sait attendre avec patience, il se remploie avec moins d’hésitation. La manie de thésauriser a aussi disparu. Au moment où quelques embarras se manifestaient dans la circulation métallique par la rareté présumée de la petite monnaie, il a suffi de l’émission de bons de 5 francs, 2 francs et 1 franc par plusieurs établissemens de Paris pour satisfaire tous les besoins. Cette émission, qui n’a jamais atteint 30 millions, prouve le peu de réalité des craintes conçues ; de plus, la circulation de cette monnaie de papier n’ayant nulle part soulevé de difficultés, on peut dire que désormais le fantôme des assignats est évanoui. La multiplicité des banques de dépôt, l’usage des comptes-courans, des chèques, des mandats de virement, ont accoutumé chacun à mettre ses titres ailleurs que dans son coffre-fort, à se reposer sur autrui des encaissemens et des paiemens, à savoir vivre sans argent chez soi. Comme cette confiance n’a pas été trompée, le capital s’est trouvé intact pendant la crise et prêt ensuite à la reprise des affaires.

On ne peut trop insister à ce sujet sur la différence des temps. Non-seulement en 1871 le papier de l’état n’a pas été protesté, non-seulement la Banque de France et ses succursales n’ont cessé de fournir à chacun les ressources nécessaires ; mais, tandis qu’à Paris en 1848 tous les établissemens de crédit alors existans, les caisses Baudon, Gouin, Ganneron, Béchet et Cusin-Legendre, ont d’abord suspendu leurs paiemens, puis liquidé avec perte, en 1871 aucun des établissemens du même genre n’a demandé un seul jour de retard dans ses paiemens, aucun n’a manqué de distribuer pour cet