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exercice même des intérêts à ses actionnaires. L’édifice financier du pays reposait, il est vrai, tout entier sur la Banque de France : c’est elle qui a tout soutenu, le trésor, à qui elle a pu avancer 1,500 millions, les départemens et les villes, — celle de Paris surtout, dont elle a soldé les réquisitions imposées par l’ennemi, — les institutions de crédit, dont elle a escompté les portefeuilles, les particuliers eux-mêmes, dont elle a gardé les effets en souffrance jusqu’à concurrence de 868 millions. En 1848, la Banque de France avait déjà, au dire même de Proudhon, déployé une activité « prodigieuse ; » mais l’état s’était contenté d’une avance de 75 millions sur un crédit ouvert de 150, la caisse des dépôts de 30, la ville de Paris de 10 au lieu des 210 payés pour elle à la Prusse l’an dernier ; l’industrie avait obtenu 34 millions sur hypothèque et 60 sur marchandises, — en 1871, elle n’a rien demandé ; — enfin les effets en souffrance ne s’étaient élevés qu’un moment à 84 millions. Il semblerait sous ce rapport que 1848 a l’avantage sur la dernière période ; mais, si l’on voit, malgré le cours forcé et l’extension de la circulation des billets, portée à 2 milliards 800 millions au lieu des 525 millions autorisés en 1849, la prime sur l’or devenir nulle et le change sur l’étranger redescendre au taux normal, — si l’on voit aussi les 868 millions d’effets prorogés se payer successivement, à tel point que dans le rapport du gouverneur du 25 janvier 1872 ils ne figurent plus que pour une somme de 15 millions tant à Paris que dans les succursales, on admirera la solidité de notre grand établissement national, sa générosité, la largeur de ses vues, on admirera aussi la fermeté de l’industrie et du commerce français, qui, rassurés par cet exemple et ce concours, ont surmonté toutes les difficultés et acquitté toutes leurs dettes. Au lieu de la contagion de la peur, qui resserre les bourses et fait passer l’égoïsme du moment avant l’honneur, nous avons eu la contagion du sang-froid et du courage, grâce à laquelle on a sauvegardé le renom commercial, et en définitive évité la perte matérielle elle-même. La bonne action a été un bon calcul.

Le développement des sociétés de crédit en France, l’usage que chacun de nous a pu en faire, les avantages qui en sont résultés dans ces dernières années, méritent un chapitre à part dans notre histoire économique. Depuis le temps où notre cher et regretté Eugène Forcade a décrit ici même les commencemens et les progrès de nos principaux établissemens financiers, ces études demanderaient à être complétées. Aujourd’hui nous voulons seulement, après avoir constaté l’accroissement de la richesse mobilière du pays, en signaler l’élément le plus nouveau, celui dont on a tiré le meilleur parti pour conjurer la crise de 1871, et sur lequel l’attention de l’assemblée nationale vient d’être appelée très récemment. Les