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subsister les opérations de cette coulisse qu’alimente une spéculation dont tout observateur impartial a reconnu à chaque époque l’intelligence et, ne craignons pas de le dire, l’honorabilité. Sans elle, le rôle du parquet serait fort amoindri, et l’organisation de notre bourse, comparée à celle de toutes les autres, y compris même celle de Londres, n’a pas donné des résultats si contestables qu’il y ait utilité à la modifier en quoi que ce soit.


III

En présence des besoins du trésor, et quand il s’agit de maintenir le respect dû à la loi, pourquoi, nous dira-t-on, se préoccuper de complaire à la spéculation, et à la spéculation sur les valeurs étrangères ? Les vertus et les vices de la spéculation en général donnent depuis très longtemps matière à procès. Il y a bien des années qu’à propos de deux livres fort lus à leur publication, le Manuel du Spéculateur à la Bourse, de Proudhon, et les Manieurs d’argent, de M. Oscar de Vallée, nous cherchions ici même à déterminer les excès de cette spéculation de bourse, principal objectif de récriminations. Nous en comparions les mouvemens pendant une certaine période avec les progrès bien autrement rapides de l’industrie française. A quinze ans de date, une semblable étude offrirait des résultats autrement significatifs. Cette spéculation, que Proudhon appelle « le génie de la découverte, » dont il avoue que « l’essence est d’être aléatoire, comme toutes les choses qui existent dans l’entendement avant la sanction de l’expérience, » cette spéculation de bourse, « tête d’un corps dont le travail, le capital et le commerce ne sont que les membres ; cette souveraine qu’ils suivent en esclaves, dont la politique n’est qu’une variété, » a justifié de plus en plus la définition qu’en donnait l’auteur du Manuel : « ce n’est pas autre chose que la conception intellectuelle des différens procédés par lesquels le travail, le crédit, le transport et l’échange peuvent intervenir dans la production. C’est la spéculation qui recherche et découvre pour ainsi dire les gisemens de la richesse, qui invente les moyens les plus économiques de la procurer, qui la multiplie soit par des façons nouvelles, soit par des combinaisons de crédit, de transport, de circulation, d’échange, soit par la création de nouveaux besoins, soit même par la dissémination et le déplacement des fortunes. » Il est vrai que Proudhon, par une de ces contradictions qui lui sont familières, appelait ensuite la spéculation « le chancre de la production, la peste des sociétés et des états. » Sans la placer ni si haut ni si bas, un nouveau manuel du spéculateur à la Bourse, en montrant la variété si fort