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cinq années de service réclamées par M. le président de la république ; elle s’adressait à la gauche, qui combattait pied à pied les propositions du gouvernement, et la meilleure preuve en est qu’au moment du vote une partie de la gauche, se sentant piquée au vif, mais ne voulant pas faire un acte trop direct d’hostilité contre M. Thiers, s’est réfugiée dans l’abstention. Ce n’était donc pas là un grief sérieux pour la droite, qui n’avait qu’à laisser M. le président de la république en tête-à-tête avec la gauche. Entre cet incident et la démonstration qu’on s’est occupé d’organiser dès ce moment, il n’y a eu, si l’on veut, qu’une coïncidence ; la vraie raison de la démarche tentée auprès de M. Thiers a été le caractère radical des élections qui ont eu lieu dans le Nord, dans la Somme, dans l’Yonne, et dont les esprits prompts à s’alarmer ont attribué le résultat aux complaisances du gouvernement pour la démocratie avancée, aux faiblesses des ministres, aux connivences de certains fonctionnaires, derniers demeurans du 4 septembre. Eh bien ! soit, ces élections, sans avoir peut-être la signification extrême qu’on leur donne, ne sont point d’une couleur absolument rassurante ; elles ont un dangereux caractère, surtout parce qu’elles révèlent un progrès d’incohérence morale dans les populations, parce qu’elles peuvent être exploitées contre la France, contre le gouvernement lui-même dans les négociations diplomatiques que nous avons à suivre, dans les opérations de crédit que nous aurons bientôt à entreprendre. Qu’est-ce à dire cependant ? Est-ce que cela suffit pour aller en procession à la préfecture de Versailles réclamer au plus vite des mesures préservatrices ? Est-ce que le gouvernement est seul responsable de ces mobilités d’opinion dont une élection partielle peut être le reflet ? On s’est ému avec quelque raison, nous le voulons bien, de ce symptôme qui se dégage d’une série d’élections républicaines depuis quelque temps. Il ne faut pourtant rien exagérer, il ne faut ni se faire illusion, ni surtout déplacer les responsabilités. On ne peut guère s’en prendre cette fois aux fonctionnaires administratifs, puisque particulièrement dans la Somme et dans le Nord il y a des préfets qui offrent toute garantie aux opinions conservatrices. Que peut le gouvernement ? Il respecte la liberté électorale. Lui demander plus, lui faire un crime de son impassibilité en face des compétitions radicales et bonapartistes qui se font jour, c’est ne rien dire ou c’est réclamer de lui une intervention plus énergique qui conduit tout droit au rétablissement de la candidature officielle. Choisir cette circonstance, prendre prétexte d’un incident électoral, c’était donc se placer sur le terrain le plus délicat et le plus dangereux en se donnant toutes les fausses apparences, en ayant l’air de récriminer ou de protester contre un verdict d’opinion qui après tout n’a qu’une signification restreinte et locale.

Oui sans doute, on le reconnaît, ce n’est qu’un fait local et restreint ;