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ayant épuisé leurs munitions, prenaient le large pendant que les Péruviens reconstruisaient leurs batteries, et se glorifiaient du triomphe. Telle était aussi la situation de l’amiral Ferragut avant qu’il fût rejoint par le corps d’occupation qui lui était destiné ; le 5 août 1864, il avait coulé le Tennessee et détruit la flotte confédérée en rade de Mobile, le 23 août le fort Morgan avait capitulé sous le canon de ses navires ; mais ces succès, malgré les sacrifices qu’ils avaient coûtés, devenaient stériles sans l’arrivée des troupes qui devaient assurer la prise de la ville. Une attaque maritime sur Kiel, dont les batteries étaient les seules à la portée de nos coups, n’eût amené aucun résultat. Les pertes matérielles eussent certainement été plus considérables pour nous, et la victoire, en n’admettant que cette hypothèse, était une victoire sans lendemain. Après le moment d’enthousiasme produit par l’écho lointain de ces coups de canon dans la Baltique, qu’aurait ordonné le gouvernement en réponse à une opinion surexcitée par nos désastres et incapable de juger l’inutilité de pareils efforts ?

En écartant l’idée de l’attaque de Kiel par nos grands navires cuirassés, il restait une entreprise d’un genre différent à inaugurer dans la Baltique : la guerre d’escarmouches, de surprises, la capture des canonnières, la destruction des ouvrages établis à l’embouchure des canaux, l’enlèvement des postes ou des batteries sur le littoral des îles. Ce genre de guerre, il faut le confesser, n’a rien qui réponde aux aspirations d’une puissance maritime dont les efforts ont toujours été dirigés vers les combats d’escadre et les grandes opérations militaires. Il nécessite l’emploi de petits navires, canonnières, monitors, à peu près inutiles en temps de paix, et qu’aucune nation ne possède en nombre assez considérable pour en former une armée d’attaque sérieuse. La Suède elle-même, obligée par la configuration de son littoral à entretenir des navires de cette espèce, ne saurait en mettre en ligne un nombre suffisant pour entreprendre quelque chose d’important dans la Baltique. Il n’eût certainement pas été facile de faire accepter à la France, en vue d’une lutte dont les résultats maritimes ne pouvaient être que secondaires, une augmentation de budget qui permît au département de la marine d’avoir toujours armée une flotte de canonnières et de monitors. Les états fédérés du nord s’étaient préparés pendant plus d’un an avant de réunir les moyens nécessaires à l’attaque des ouvrages qui défendaient la Nouvelle-Orléans ; le 7 avril 1863, deux ans et demi après le commencement des hostilités, leur flotte de monitors, malgré dès sacrifices considérables, avait échoué dans sa tentative contre le fort Sumter et l’île Moultrie. Pour nous d’ailleurs, la guerre sur terre nous était si défavorable dès le