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la Baltique se trouvait réduite à l’immobilité par l’étroitesse même des passages de sortie, et plus tard bloquée naturellement par l’hiver ; dans la Jahde, elle avait la mer toujours ouverte devant elle, toutes les facilités lui restaient pour profiter du moment opportun et reprendre l’offensive.

Les événemens qui se sont déroulés pendant les derniers mois de la guerre ne permettent plus de supposer que les Allemands aient entretenu les projets offensifs qui pouvaient avoir pour base leur concentration dans la Jahde. Cette concentration n’a jamais eu qu’un but, celui de soustraire leur escadre aux coups de la flotte française. S’il en était autrement, leur inaction depuis le mois d’octobre serait incompréhensible. Dès lors en effet, il est bien évident pour eux que la France ne peut plus songer à débarquer une armée sur le littoral de la Mer du Nord, en admettant qu’elle ait jamais eu comme objectif une mise à terre de troupes dans l’Elbe ou dans la Jahde. Les soldats allemands sont en France : sur la Loire, à l’armée du nord, à Lyon, à Besançon, nos marins combattent ou travaillent à côté de nos mobiles et de nos conscrits ; nos ateliers n’ont d’autre préoccupation que de fabriquer des objets de campement, de confectionner un nouveau matériel d’artillerie ; quelle voix s’élèverait dans le pays, demandant que l’on envoyât dans la Mer du Nord les élémens d’une attaque de vive force, que l’on détournât de la défense du territoire le personnel nécessaire à l’armement de cette nouvelle flotte de combat ? D’ailleurs les bourrasques de l’équinoxe sont arrivées ; que deviendrait dans la Mer du Nord une flottille de petits navires peu marins, construits pour la défense du littoral ou pour la navigation en eaux calmes ? Nos bâtimens de croisière eux-mêmes peuvent à peine maintenir le blocus. Encore quelques semaines, et la tempête dispersera les croiseurs ; il faudra d’abord songer à renvoyer en France les avisos, puis la Surveillante désemparée, enfin à faire rentrer les cuirassés, dont les services ne compensent plus les fatigues, et que de nouveaux accidens de mer peuvent compromettre.

Il nous est impossible, même après la lecture des documens ennemis, de comprendre comment de cette flotte réunie dans la Jahde un seul navire, l’Augusta, ait été détaché pour courir sus à notre commerce. Jusqu’au mois de septembre, avant que la fortune se soit déclarée absolument contre nous, la flotte allemande protège les embouchures de deux grandes voies commerciales contre les éventualités d’un débarquement ; mais après Sedan, après les premiers coups de vent de l’hiver, aucune attaque de notre part n’est possible. Quant au blocus, en dehors même des cas de mauvais temps qui dispersent la flotte de croisière, le navire mouillé dans