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produites sur différens points, et là où la discorde régnait entre la puissance ecclésiastique et l’autorité urbaine antérieurement à l’apparition de Luther l’avantage était généralement resté aux partisans des idées nouvelles. Dans les cités épiscopales, la guerre avait éclaté entre le haut clergé, investi d’un pouvoir à la fois spirituel et temporel, et la moyenne bourgeoisie, les artisans, qui se rangeaient du côté des réformateurs dans l’espoir d’abattre la domination cléricale et de se soustraire à la suprématie du prélat et du chapitre. J’ai déjà parlé dans la première partie de ce travail des désordres dont Osnabrück, Paderborn, Münster, avaient été le théâtre en 1525. La défaite des paysans n’enraya que pour un temps assez court les progrès du luthéranisme dans les villes de Westphalie, favorisés qu’ils étaient par les princes protestans du nord et du centre de l’Allemagne, spécialement par le landgrave de Hesse. Les religieux de Lippstadt et de Hervord, entraînés par l’exemple du grand hérésiarque, ayant abjuré la foi catholique, foulé aux pieds leur règle, contribuèrent, en répandant les opinions évangéliques, à faire admettre dans ces deux villes le culte réformé. Dans d’autres, à Dortmund, à Minden, à Soest, les corporations d’artisans, les classes marchandes, soutinrent les prédicans et s’appuyèrent des principes du luthéranisme pour combattre l’autorité établie, en sorte que la cause protestante s’y confondit avec celle de la démocratie. À Münster, d’où devait bientôt rayonner dans toutes les parties du diocèse une propagande réformée qui porta ses fruits, les doctrines nouvelles trouvèrent un écho chez ces mêmes gildes qui avaient naguère dicté leurs conditions au conseil ou sénat de la ville, obligé les chanoines de la cathédrale à fuir et à renoncer momentanément à plusieurs de leurs droits.

La lutte fut plus violente et non moins prolongée en quelques cités voisines. L’évêché de Münster venait à la fin de l’année 1531 de passer à un nouveau titulaire. Le comte Frédéric de Wied, par un de ces trafics scandaleux habituels à l’époque, avait vendu pour une somme énorme sa dignité épiscopale à Éric, évêque d’Osnabrück et de Paderborn, fatigué qu’il était des soins d’un troupeau qu’il avait constamment négligé pour ses plaisirs et son bien-être. Cette aliénation, qui menaçait de faire peser sur l’église de Münster et la population de lourdes charges, avait mécontente les esprits, et ce mécontentement s’ajoutait à tous les griefs qu’on nourrissait contre la puissance temporelle du prélat. Aussi, tandis que l’attention du chapitre, peu satisfait des conditions du marché, se tournait vers les négociations auxquelles il donna lieu, une voix qui se faisait l’interprète des sentimens d’un grand nombre s’élevait-elle dans Münster en faveur de la réforme ; c’était celle d’un chapelain de l’é-