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dans les îles de la Mer du Sud, c’est peut-être de ce côté qu’il faut porter l’attention pour apprendre par quelles mains ces ignames ont été transplantées à Madagascar. Il conviendrait aussi de s’occuper dans le même dessein de la grande cardamome de l’Inde, la longouze des Malgaches[1], devenue si abondante en certains endroits que de ses fruits on chargerait un navire, dit Flacourt. C’est une belle plante que la cardamome, portant des fleurs fort élégantes et des fruits d’un rouge écarlate, qui ont une chair blanche, aigrelette, de goût agréable. Le coton nous est cité dès le XVIIe siècle comme d’un usage très général dans plusieurs provinces de la Grande-Terre, et pourtant les botanistes ne signalent aucune espèce particulière de cotonnier à Madagascar ; là encore il y a une étude à poursuivre, une origine à rechercher.

À tous les points de vue, la richesse et la singularité de la flore de Madagascar nous attirent. La richesse de la végétation, c’est l’existence facile pour les habitans, la misère impossible. Chacun peut cueillir des fruits, arracher des racines autant qu’il en a besoin pour sa subsistance, se procurer sans peine des feuilles et des écorces qui donnent des matières textiles propres à la fabrication des vêtemens, avoir en abondance du bois pour construire des habitations. L’étrangeté de la flore conduit à se préoccuper de l’état du monde à son origine. Souvent on a supposé que des îles avaient pu être détachées des continens à des époques plus ou moins récentes ; les espèces végétales les plus caractéristiques, celles que nous avons décrites, apportent une preuve irrécusable que l’île de Madagascar n’a jamais été unie soit à l’Afrique, soit à l’Asie, depuis l’apparition de la vie sur cette terre. Les espèces liées par une sorte de parenté avec celles d’autres régions indiquent des analogies dans les climats et contribuent ainsi à répandre quelque lumière sur la physique du globe. Plus encore que l’étude des végétaux, l’observation des animaux de la grande île africaine rendra ces vérités saisissantes.


EMILE BLANCHARD.

  1. Amomum cardamomum, de la famille des amomacées.