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tière de la cathédrale. Enhardis par ce succès et sans attendre du renfort, ils crièrent alerte, et firent battre le tambour. Les anabaptistes endormis se réveillèrent en sursaut, coururent aux armes et marchèrent au-devant de l’ennemi. Les lansquenets avaient eu le temps d’ouvrir à leurs camarades les portes de la ville. Il y eut alors une horrible boucherie. Les sectaires faisaient sur l’assaillant un feu nourri de mousqueterie et le criblaient de leurs flèches; mais, quoiqu’ils infligeassent aux troupes de rudes pertes, ils succombèrent sous le nombre.

Le corps d’élite que Jean de Leyde commandait, auquel la haute paie qu’il recevait donnait plus d’ardeur, déploya une rare intrépidité. Le roi de Sion, se voyant au moment d’être atteint, se dirigea vers le bastion le plus fortement défendu. Il tomba aux mains des lansquenets avant d’y être arrivé. Rothmann trouva la mort dans la mêlée. Les plus résolus se retranchèrent, près de l’église Saint-Michel, derrière une barricade de chariots à la façon de leurs frères aînés de Thuringe. Comme on ne réussissait pas à les déloger, on leur promit merci, s’ils mettaient bas les armes; ils le firent, et on ne leur tint pas parole. Exaspérés par les pertes qu’ils venaient d’éprouver, les lansquenets les massacrèrent au moment où on les renvoyait chez eux. Les sectaires étaient d’ailleurs devenus par toute l’Allemagne un objet d’horreur ; on était décidé à ne point leur faire quartier. Ceux qui n’avaient pas été pris en combattant furent expulsés de Münster et indignement traités. Un édit impérial interdit, sous peine d’être condamné comme anabaptiste, de donner asile aux femmes des sectaires, qu’on avait chassés en bloc. Ceux que Mathys et Jean de Leyde avaient contraints d’abandonner la cité westphalienne y purent alors rentrer, leur nombre représentait environ le tiers de la population primitive ; mais il leur fallut payer cette rapatriation. L’évêque, qui tenait à se rembourser au moins d’une partie de l’argent que la guerre lui avait coûté, exigea un laisser-passer pour quiconque voulait revenir demeurer dans Münster, et l’on devait acquitter un petit droit pour se le faire délivrer. Les habitans qui avaient adhéré à la secte, mais n’étaient pas cependant jugés assez coupables pour encourir l’emprisonnement ou la mort, n’obtinrent la restitution du droit de bourgeoisie que moyennant une somme de 400 florins. L’ancien gouvernement épiscopal fut complètement restauré. L’évêque, le chapitre et les chevaliers devinrent plus puissans que jamais. La bourgeoisie perdit ses vieilles franchises; le sénat fut désormais à la nomination du prince-évêque, qui devait toutefois prendre l’avis des chanoines et des chevaliers. Une citadelle fut construite aux frais des habitans pour tenir la ville en respect.

La fin de Jean de Leyde et de ses deux principaux lieutenans,