Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/389

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dus, à l’époque de la conférence de Paris, entre l’Autriche et l’Italie. Les délégués respectifs des deux pays se regardaient de mauvais œil au sein de la commission et ne laissaient pas de se parler d’un ton acerbe. Les signatures mêmes des deux ambassadeurs étaient comme étonnées de se rencontrer sur un même instrument diplomatique, et c’est là sans doute ce que voulait dire M. Drouyn de Lhuys dans cette phrase un peu énigmatique ; « Il faut remarquer que, la convention qui vient d’être négociée n’ayant eu pour objet que les règles d’un service international, la signature de cette convention ne saurait, au point de vue politique, préjudicier en rien à l’attitude et aux rapports des gouvernemens entre eux. » En bon français, cela voulait dire que MM. Nigra et de Metternich conservaient le droit de se détester et de se combattre officiellement. Fâcheuse réserve! dirons-nous. Non; d’ailleurs il n’est pas vrai que l’entente établie sur les questions administratives laisse toute carrière aux mésintelligences politiques. Signons autant d’arrangemens spéciaux qu’il sera possible, et soyons sûrs que les haines nationales se trouveront amorties d’autant.

Nous voilà ramenés à notre point de départ. C’est une œuvre fructueuse entre toutes et véritablement digne d’intérêt que celle que les délégués de l’Europe viennent de faire sous nos yeux autour du tapis vert de la conférence de Paris. Quelles que soient les questions traitées, n’est-ce point un spectacle plein d’enseignemens que de voir les représentans de l’Europe entière assemblés dans un dessein d’utilité commune? Au travail proposé, chacun apporte ses aptitudes spéciales; chacun prend sa part à l’œuvre d’ensemble. Voici d’abord le Français : il fournit sa langue, cette sorte de langue universelle, qui ne perdra sans doute pas de sitôt le privilège de servir aux relations internationales; il apporte encore cet esprit de généralisation qui étend et élève les questions. Voici le Prussien; raide et méticuleux, il oblige la conférence à régler toute sorte de points secondaires, ne voulant rien laisser à l’interprétation de l’avenir. Le Russe est autoritaire; il sera de bon conseil dans un service où la centralisation est indispensable, où l’unité de direction est impérieusement commandée par les besoins de la pratique. L’Italien a depuis quelques années fait preuve d’une merveilleuse habileté à régler tous les détails administratifs; il fournit naturellement à une conférence européenne des vues fines et ingénieuses; la statistique, dont il a fait un art, donne entre ses mains les leçons les plus élégantes. Voici l’Espagnol, qui se laisse emporter par quelques idées absolues; il touche parfois à la chimère, et on reconnaît chez lui à quelques traces le tempérament du héros de Cervantes. Voici encore le Suisse d’un côté, le Belge de l’autre: leurs