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Prusse, princesse électorale de Hesse-Cassel. Cette princesse est en couches. L’empereur a ordonné à son grand-maréchal du palais de veiller à ce qu’elle ne fût pas incommodée par les bruits du quartier-général... » On trouve dans sa Correspondance plusieurs lettres de consolation adressées à cette princesse, si cruellement frappée dans la fortune de son frère et dans celle de son beau-père et de son mari. « Je désire, lui écrit-il, trouver des occasions plus réelles de donner à votre altesse des preuves de l’estime que j’ai pour elle[1]. » Il lui accorda, sur les dépouilles de la Prusse et de la Hesse, une pension de 50,000 thalers, dont elle employa d’ailleurs la plus grande partie à lui susciter des ennemis. Il ordonna de laisser au frère de l’électeur « la jouissance absolue des biens patrimoniaux qui lui appartiennent; » mais, suivant une règle invariable, il le fit éloigner du pays.

Napoléon ne semble pas avoir été décidé tout d’abord sur ce qu’il ferait de la Hesse-Cassel. Elle n’avait pas été comprise dans le décret du 23 octobre qui frappait Brunswick et Orange. Dans l’intérêt de la France et même de la politique impériale, il valait mieux peut-être avoir à Cassel un prince subordonné bien qu’agrandi, roi par la grâce de Napoléon, que d’y fonder une nouvelle et éphémère dynastie napoléonienne. Deux plénipotentiaires de l’électeur, le baron de Malsburg et le général Lepel, vinrent négocier à Berlin le rétablissement de leur maître. Talleyrand les renvoyait à Berthier sous prétexte que la question hessoise était une affaire militaire, Berthier à Talleyrand, attendu que l’affaire était essentiellement politique. Pendant ce temps, l’empereur avait un entretien avec Bignon et Duroc sur les propositions de l’électeur. Guillaume offrait d’accéder à la confédération du Rhin, de laisser aux Français ses places fortes, Rinteln, Marburg, Hanau, de fournir 12,000 hommes contre son alliée la Prusse, et, chose plus singulière chez un avare, de payer une forte contribution de guerre. Ces 12,000 hommes eussent été plus utiles sans doute entre les mains de leur prince naturel qu’entre celles du roi Jérôme. L’empereur réfléchit quelque temps, fit beaucoup de questions à Bignon sur ces troupes, sur les qualités de l’électeur, son esprit d’ordre, sa fermeté, son économie, qui en faisaient tout l’opposé de son frère Jérôme. « Il parla pendant quelque temps, dit Bignon, de manière à me donner l’espoir qu’il allait accepter les propositions de l’électeur lorsque, s’interrompant tout à coup et changeant brusquement de ton, il me dit: « Bah!... Brunswick, Nassau, Cassel, tous ces princes-là sont essentiellement anglais; ils ne seront jamais nos amis. » Deux jours après (4 novembre 1806) paraissait l’arrêt du destin dans le vingt-septième

  1. Lettres des 9, 24 novembre 1806, et 10 janvier 1807.