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Afrique, tigres et panthères en Asie, jaguars et cougouars en Amérique ; à Madagascar, on se promène bien tranquillement au milieu des forêts et dans les lieux les plus solitaires, la certitude est acquise de ne faire la rencontre d’aucun animal dangereux. Au sud de l’Afrique, les chevaux au pelage rayé, le zèbre, le couagga, le dauw, galopent à travers les plaines ou sur les montagnes. En Asie, outre le cheval et l’âne, qu’on ne trouve plus à l’état sauvage, il y a l’hémione ; dans la grande île, on ne voit point de chevaux. Ce qui est plus extraordinaire, c’est l’absence complète des ruminans, car les bœufs, les cerfs et les antilopes, très nombreux en espèces, sont disséminés sur la plus grande partie du globe. Malgré tout, la Grande-Terre est encore passablement peuplée de mammifères.

Si les singes manquent, ils sont remplacés par les makis ou lémurs, gracieux et charmans animaux d’espèces très variées. Par les formes extérieures, les attitudes, le genre de vie, les lémurs ont avec les singes des ressemblances que personne n’hésite à reconnaître, mais les naturalistes constatent entre les uns et les autres des différences très notables. Par l’aspect général de la tête, les makis semblent tenir des carnivores, et ce trait de conformation, déjà saisi par des observateurs assez superficiels, les a fait appeler des singes à museau de renard. Le premier soin du zoologiste est toujours d’examiner les dents ; c’est ici précisément que se montre chez nos lémurs un caractère très particulier : les canines inférieures manquent, ou la place est occupée par des dents minces comme les incisives, serrées les unes contre les autres et couchées en avant. De même que les singes, les makis ont des mains aux quatre membres, mains imparfaites pour la préhension des alimens, vraiment parfaites pour grimper et empoigner les branches des arbres. Les doigts s’élargissent vers le bout, l’index des membres postérieurs est une griffe, les pouces sont énormes chez certaines espèces. Les makis prenant leur repas ont moins de gentillesse que les singes grignotant un fruit tenu dans la main ; ils saisissent directement avec la bouche comme les chiens, ou tiennent l’objet à deux mains à la façon des écureuils. Pour l’agilité, ces animaux sont incomparables ; ils s’élancent en l’air et vont à grande distance retomber sur la branche qui a été visée d’un clin d’œil, peut-être sur une tige qui fléchit sous leur poids ; les bonds, les courses, toutes les évolutions enfin s’exécutent avec une prestesse incroyable. On s’imagine l’effet au milieu d’un bois hanté par quelques troupes de makis ; les sauts prodigieux, les gambades incessantes de ces animaux à physionomie intelligente, toujours en mouvement dès l’instant qu’ils n’ont plus sommeil, font l’étonnement et l’admiration du voyageur. En traversant la grande forêt d’Analamazaotra, les caravanes, d’ordinaire assez bruyantes, qui s’acheminent vers Ta-