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acrées qui voltigent dans les bois, près des ruisseaux ou dans les lieux humides. Tout est gracieux et délicat chez les acrées, les papillons de jour les plus caractéristiques de la faune de la Grande-Terre. De moyenne taille, avec des ailes oblongues semblables à la gaze pour la transparence, — délicieusement teintées de rose, de rouge ou de jaune et parsemées de taches noires, ils réunissent la plupart des beautés qu’on admire dans un lépidoptère. Souvent le mâle et la femelle diffèrent par l’arrangement des couleurs ; dans ce cas, l’avantage est ordinairement du côté du mâle. Chez la plus jolie peut-être des acrées[1], les ailes antérieures presque diaphanes sont lavées de rouge à la base, et les ailes postérieures ont une teinte ponceau uniforme, relevée par des taches d’un noir intense ; le mâle seul est aussi vivement coloré : chez la femelle, le vermillon n’apparaît que dans une bordure de taches. Madagascar est la vraie patrie des acrées ; mais il en existe quelques autres espèces en Afrique et dans l’Inde.

Des sphinx, des bombyx, des noctuelles de la grande île africaine offrent encore aux yeux des naturalistes des sujets d’intérêt ; ceux-ci néanmoins ne se distinguent par aucune particularité extraordinaire. En général, les lépidoptères de Madagascar n’ont ni la grande dimension ni l’éclat de certaines espèces de l’Inde, des îles de la Sonde, de l’Amérique du Sud. Il y a cependant une exception. Sur cette terre en effet, on observe fréquemment le plus beau des lépidoptères connus, une sorte de grande phalène qui ne se montre qu’au plein soleil, et qui possède au degré suprême l’élégance des formes, la richesse et la variété des couleurs : c’est l’uranie[2], un papillon plus grand que le machaon de nos campagnes, presque impossible à décrire. Sur le fond noir des ailes antérieures courent une multitude de raies et de bandes irrégulières d’un vert doré splendide ; les ailes postérieures sont découpées sur le bord, et des dents plus ou moins longues, ainsi qu’une sorte de queue garnie d’une belle frange blanche, produisent un charmant effet ; il y a sur ces ailes une tache bleue, deux bandes vertes qui se perdent dans un espace d’un rouge doré magnifique rehaussé par des taches noires : l’éclat est éblouissant. L’uranie, seule de son genre, est bien encore l’un des types les plus caractéristiques de la faune de Madagascar ; ce superbe lépidoptère, dont la chenille vit sur les manguiers, n’est pas rare sur la côte orientale, et on le rencontre jusqu’aux environs de Tananarive.

Certains lépidoptères de la grande île africaine présentent un intérêt tout différent. Depuis les récits de Flacourt, on sait que les bois

  1. Acrœa Ranavalona.
  2. Urania riphœus.