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de tant d’élégies, de satires, de songes et de dithyrambes que vit éclore cette période, on en citerait plusieurs dont le titre seul marque une date, Hellas ou le triomphe de la Grèce par exemple, et bien d’autres : hymnes à la liberté, cris de détresse et chants d’agonie d’une âme préludant à son apothéose.

De ces agitations, de ces luttes et de ces misères, la destinée avait fixé le terme. Les flots de la Méditerranée engloutirent leur victime. La douleur de Byron fut vraie, profonde. Autour de lui sévissait la mort. Allegra, sa fille naturelle, venait aussi d’être enlevée à sa tendresse. Consterné, brisé, il se rattachait à Teresa Guiccioli, sa dernière espérance, son unique amour désormais en ce monde. De Venise, elle avait fui à Ravenne; Byron accourut, pensa même à l’épouser. Son état maladif, l’irritabilité croissante de ses nerfs, lui rendaient de plus en plus nécessaire la présence et le commerce d’un être bon et doux à ses caprices, n’ayant au cœur pour ses vivacités et ses souffrances que soulagement et consolation, et toujours en sainte alliance avec la jeunesse et la grâce. Comme tous les romantiques, Byron devait avoir son heure d’élévation religieuse. On raconte qu’un jour agitant des questions de dogmes avec Walter Scott, le romancier lui dit : « Ne vous avancez pas trop; vous changerez d’avis tôt ou tard, c’est ma conviction. — Quoi donc? s’écria Byron d’un air piqué, êtes-vous aussi de ceux qui prétendent que je me ferai méthodiste? — Point du tout, répondit Scott, mais je ne serais nullement étonné de vous voir devenir catholique, et vous distinguer par l’austérité de vos pénitences. » Un instant en effet le catholicisme l’attira vers ses cloîtres méditatifs, où tendent les immenses lassitudes; mais presque aussitôt ces velléités s’évanouirent, remplacées par d’autres desseins plus conformes à la nature équestre du héros, à ses goûts de voyages et d’aventures, et l’Europe, au lieu d’un Rancé, vit surgir un Tancrède.


V.

Lord Byron ne pouvait se faire moine; il se croisa. En échange des jours heureux passés sur le sol de la Grèce et des splendides inspirations reçues de ce côté, le noble barde offrit le sacrifice de sa vie. Avant de quitter l’Italie, il adresse un appel à ses amis, arme un navire; on met à la voile, et le 5 janvier 1824 lord Byron débarque à Missolonghi. Jamais prince n’eut pareil accueil; aux cris enthousiastes de la population, l’artillerie des forts unit ses salves. Rénovation superbe ! toutes les ombres dont cette belle figure sem-