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graphe anglo-américain, qui réussit enfin dans les années 1865 et 1866 à poser les deux premiers câbles, était le résidu de plus de dix entreprises successivement avortées. La nouvelle compagnie qui en 1869 plaça un troisième conducteur entre Brest et Boston chercha naturellement à s’entendre avec l’anglo-américaine, et, sans qu’il y ait entre elles une fusion complète, leurs tarifs et les règles de leur exploitation sont établis d’après une entente commune : les bénéfices sont répartis entre le câble français et les deux câbles anglais dans une proportion favorable au premier; il reçoit 36 pour 100 sur le produit total de l’exploitation, les deux autres recevant ensemble 64 pour 100, soit 32 pour 100 pour chacun d’eux.

Après l’union de l’Europe et de l’Amérique, l’œuvre principale de la télégraphie sous-marine est l’établissement d’une communication avec les Indes anglaises; la péninsule indienne elle-même devient en effet comme une tête de ligne pour un réseau qui embrasse l’Océanie et l’extrême Orient, et qui viendra bientôt, par l’Océan-Pacifique, prendre les Amériques à revers. Ici encore le projet de jonction a fait comme le phénix, il est sorti de ses cendres. Dès l’année 1856, de hardis pionniers avaient offert au gouvernement anglais d’atteindre Bombay et Calcutta en passant par Suez, la Mer-Rouge et l’Océan indien. Les câbles qu’ils posèrent n’eurent qu’une existence éphémère, et, pour un temps, on renonça au tracé par la Mer-Rouge; cette mer, disait-on, tant à cause de la haute température de ses eaux que de la nature rocailleuse du fond, était impropre à la conservation des câbles. On songea donc à gagner la péninsule indienne en suivant autant que possible la voie de terre. En 1862, une première communication fut établie d’après cette donnée : comme le réseau européen atteignait Constantinople, la ligne traversa les provinces turques de l’Asie et le territoire persan pour gagner les bords du Golfe-Persique; de là jusqu’à la côte septentrionale de l’Hindoustan, on employa une série de câbles côtiers à cause du peu de sécurité qu’offraient sur terre les peuples barbares de cette contrée. — Cette première voie terrestre ouverte à la correspondance anglo-indienne fut doublée bientôt par une ligne qui, partant du Golfe-Persique, se dirigeait sur Tiflis et le Caucase pour gagner de là les lignes russes et Moscou. — Les négocians anglais, aux abords des années 1865 et 1866, avaient ainsi pour correspondre avec les Indes deux grandes voies distinctes, la voie turque passant par Constantinople, puis celle que nous pouvons appeler russo-persane. Ils trouvèrent bientôt que ces deux voies, nominales plutôt que réelles, ne répondaient point à leurs besoins. Confiées à des nations qui n’ont point d’aptitude pour la